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Critique de nanouche


Arthur Daane est un documentariste néerlandais qui s'est installé à Berlin après la mort de sa femme et de son fils dans un accident d'avion dix ans plus tôt. Arthur travaille de loin en loin pour les télévisions néerlandaise ou belge. Surtout il filme pour lui-même des bouts de bande dans lesquels il essaie de montrer le temps qui passe. Arthur est en effet obsédé par le passé, la mémoire, le souvenir, et la ville de Berlin colle parfaitement à cette obsession, ville où l'histoire est partout présente. Il est beaucoup question dans le roman de la mémoire du nazisme et de celle de la réunification allemande dont les traces sont encore très visibles, l'action se déroulant à la fin des années 1990. L'auteur analyse de façon fine ce que des changements radicaux de mode de vie ont eu comme conséquences pour les contemporains : "Ici, ce n'étaient pas seulement les règles du jeu qui avaient brusquement changé, non, le jeu lui-même avait brusquement cessé d'exister, expulsant les gens de leur vie, le moindre trait distinctif de celles-ci, journaux, habitudes, organisations, noms, tout avait changé, quarante ans s'étaient en un moment ratatinés comme un chiffon de papier, et le souvenir même de ces années-là s'en trouvait rongé, déformé, corrompu. Etait-ce supportable ?"

Cet homme mélancolique qui est "partout un peu à contrecoeur" peut heureusement compter sur des amis fidèles : Erna qui l'appelle très régulièrement des Pays-Bas, à Berlin Arno, Victor et Zenobia, artistes et intellectuels qu'il retrouve dans des tavernes pour parler, boire et manger toutes sortes de saucisses. Et puis Arthur fait la connaissance d'Elik Orange, jeune femme réservée et fuyante et il en tombe amoureux. Elik prépare une thèse sur Urraca, reine espagnole du 12° siècle et ce sujet est l'occasion pour explorer la mémoire d'un passé encore plus ancien. Ici il s'agit de l'impossibilité de nous figurer la façon de penser et d'appréhender le monde de gens qui ont vécu à une époque si différente de la nôtre : "Comment se représenter une époque que l'on ne peut pas se représenter ? le même cerveau, mais un autre logiciel". La musique peut être un moyen, propose l'auteur. Cette même question de la disparition d'une culture vivante est abordée à propos d'une vieille femme, dernière à parler sa langue : "le mystère de ces sons que bientôt plus personne n'entendrait de la bouche d'un être vivant (...) à l'instant de la mort de cette femme, à cet instant où, (...) quelqu'un penserait pour la dernière fois dans cette langue des mots inaudibles que nul n'enregistrerait".

Ce que j'ai plus particulièrement apprécié dans ce roman c'est toute cette réflexion menée sur le passé et les possibilités ou pas d'en faire son deuil et que j'ai trouvée très intelligemment menée. C'est aussi un livre très bien écrit. J'ai trouvé par contre certains passages un peu longs, la lecture ne coule pas toute seule. Il y a, par exemple, un choeur (à l'antique) qui intervient régulièrement et qui m'a vite ennuyée. Mais en même temps il m'apparaît comme le signe d'un auteur qui réfléchit à son travail et ça, ça me plaît. Globalement c'est une lecture que j'ai appréciée.
Lien : http://monbiblioblog.revolub..
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