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Critique de YvesParis


Un scorpion cherche à franchir une rivière. Il hèle un crocodile. le crocodile hésite : « Quand nous serons au milieu de la rivière, tu me piqueras et je mourrai ». le scorpion le rassure : « Pourquoi ferais-je une telle chose ? Si je te pique, tu mourras et je me noierai ». le crocodile finit par accepter ; mais arrivé au milieu de la rivière le scorpion le pique. « Pourquoi as-tu fait ça ? » demande le crocodile en agonisant. « Je n'ai pas pu m'en empêcher. C'est dans ma nature » répond le scorpion.

En plus de 400 pages, écrit serré, « le crocodile et le scorpion » relate la relation compliquée entre le crocodile (la France) et le scorpion (la Côte d'Ivoire).
Jean-Christophe Notin a un profil atypique. Polytechnicien, ingénieur des mines, il a d'abord rédigé de gros ouvrages historiques chez Perrin (« La campagne d'Italie », 2002 ; « Leclerc », 2005 ; « Foch » 2008) avant de se spécialiser dans l'étude des opérations militaires françaises plus récentes (« La guerre de l'ombre des français en Afghanistan » ; 2011 ; « La vérité sur notre guerre en Libye », 2012). Tallandier vient de publier en avril 2014 l'ouvrage qu'il consacre à la guerre du Mali .
A chaque fois sa méthode est la même. Il interroge longuement les protagonistes du conflit, à commencer par les militaires français qu'il a tous rencontrés depuis le CEMA et le CEMPAR jusqu'au lieutenant commandant son peloton de chars. Même souci d'exhaustivité du côté des civils : Jean-Christophe Notin a eu accès à Claude Guéant, à Jean-David-Levitte, à Robert Bourgi, à Michel de Bonnecorse, à André Parant, à Gildas le Lidec, à Jean-Marc Simon, etc. Bref à tous ces Messieurs Afrique qui, pendant dix ans, ont fait la politique ivoirienne de la France .
le résultat est un livre qui fourmille d'informations voire de révélations. On y apprend ainsi l'existence d'un bureau d'études, armé par les Forces spéciales, chargé à partir de 2005-2006 d'opérations d'influence pour faire pièce à la propagande gbagbiste (p. 177 sq.). On y découvre surtout l'étonnante résilience de Licorne, l'opération militaire française déployée à partir de 2002, dont l'obsession fut, pendant près de neuf ans, d'éviter de mettre le feu à la poudrière ivoirienne. Utilement éclairée par un bel appareil cartographique, sa description de l'assaut lancé sur la résidence présidentielle le 11 avril 2011 éclaire le positionnement délicat des forces françaises : il s'agit pour elles d'ouvrir la voie aux FRCI sans pénétrer dans l'enceinte présidentielle, puis de s'assurer de l'intégrité physique de Laurent Gbagbo sauf à faire sortir la France de sa neutralité.

le livre de Jean-Christophe Notin a les défauts de ses qualités. Il se perd parfois dans des descriptions trop pointillistes de manoeuvre militaires qui, si elles passionneront les amateurs de champs de bataille, intéresseront moins les africanistes. Son livre traite moins de la crise ivoirienne (qu'avait fort bien présenté, dans une synthèse remarquable, Thomas Hoffnung ) que d'une opération extérieure de l'armée française. Il constitue plus un des tomes de la tétralogie qu'il a consacrée aux OPEX d'Afghanistan, de Libye et du Mali (en attendant la Centrafrique peut-être ?) qu'un ouvrage sur la Côte d'Ivoire proprement dite.
Plus grave enfin, Jean-Christophe Notin est peut-être un peu trop embeded pour être toujours totalement convaincant. La vision qu'il donne des faits est souvent un plaidoyer pro domo de l'armée française qui ne s'embarrasse pas des opinions dissidentes (l'auteur ne donne guère la parole aux partisans de Laurent Gbagbo).

Cette critique a été publiée dans le numéro 249 de la revue "Afrique contemporaine" de l'AFD
Lien : http://www.cairn.info/revue-..
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