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Critique de michfred


Les Golondrinas de Denis Nunez n'ont pas d'ailes ni de nids perchés sous les poutres des toits, elles ne dessinent pas une partition de notes noires et blanches sur les fils télégraphiques, elles n'annoncent pas non plus le printemps: on appelle ainsi en Espagne les migrants saisonniers qui, poussés par la misère et le manque de travail, quittent leurs terres et leurs villages pour aller louer leurs bras de l'autre côté de la Méditerranée, en Algérie, à la saison des récoltes ou des vendanges...Ces "golondrinas"-là finissent souvent par ne plus revenir au village natal...

C'est un livre touchant et intéressant.

Touchant, parce qu'on y sent toute la force d'un clan familial que les malheurs, les morts, les séparations ont cimenté au fil des générations, touchant parce que l'auteur a voulu l'écrire pour sa mère, très âgée, mais encore vivante au moment de la parution du livre, et que la petite Denise a dû recevoir comme un magnifique cadeau cette saga du courage et de la solidarité familiale sur 4 générations.

Intéressant parce qu'il fait revivre à hauteur d'homme des événements marquants: le pillage et la désertification des sols miniers, devenus impropres à la culture, la guerre coloniale tragique et cruelle de Cuba, la conscription fatale aux pauvres gens, la pesanteur -et la force aussi - de la religion dans cette Espagne paysanne de la fin du XIXème siècle, et surtout, surtout, la magnifique opiniâtreté, la tendre solidarité des femmes dans un monde machiste et rude, où elles sont le lien, la solidité, la présence et la douceur qui permettent souvent aux hommes de supporter la dureté de leur existence et aux enfants de faire reculer la frontière de leurs craintes.

Une femme surtout se distingue: la superbe Damiana, grand-mère de l'auteur, cheville ouvrière du regroupement familial, femme de ménage, brodeuse, tenancière d'une boutique de bois et charbons, couturière , douce, intelligente, obstinée, courageuse...elle éclaire vraiment tout le récit!

L'histoire des trois soeurs d'Alméria est exemplaire de la tendresse, de la fidélité et de la patience de trois femmes -trois soeurs- qui ont lutté contre vents et marées.

Contre la misère, la mort et la guerre qui leur ont enlevé leurs hommes. Contre leurs hommes eux-mêmes, avec leur appât du gain, leur envie d'ailleurs, leur orgueil de travailleurs humiliés.

Elles ont réussi à rassembler leurs forces, à refonder leur famille sous des cieux plus cléments, et à donner à leurs propres enfants l'éducation et les chances qu'elles n'avaient pas eues..

Un petit bémol: on se perd un peu, surtout au début, dans une famille espagnole où les fils reprennent souvent les prénoms paternels, où le nom de famille se compose de celui du père et de celui de la mère...et où les enfants, nombreux, viennent encore corser la difficulté!! Un petit arbre généalogique aurait été le bienvenu!

Sinon, le récit est vivant, coloré, chaleureux et plein d'enseignements sociologiques et historiques, dépassant largement l'intérêt, plus limité, d'une simple chronique familiale.
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