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Critique de YvesParis


Refus d'entretenir une relation avec un tiers dans le but d'exercer sur lui une pression, le boycott est une pratique ancienne. Il tire son nom de la décision de Charles C. Boycott d'augmenter en 1880 le loyer de ses terres et de la réaction des membres de la Ligue agraire nationale irlandaise de rompre toute relation avec lui afin de le faire revenir sur sa décision. Il a connu, au cours de l'histoire de nombreuses applications : le boycott du thé anglais par les révolutionnaires américains en 1773, le boycott des commerces juifs par les nazis allemands en 1933, le boycott de l'Afrique du sud de l'apartheid, le boycott des Jeux olympiques de Moscou par les États-Unis en 1980 – et le boycott subséquent des JO de Los Angeles en 1994 par les pays du bloc soviétique – la campagne « Boycott, désinvestissement, sanctions » lancée contre Israël en 2005 en réaction contre sa politique de colonisation des territoires occupés …

A l'instar du bannissement, de la mise à l'index, de l'embargo ou du blocus, le boycott vise à affaiblir un adversaire en rompant les liens avec lui. C'est une pratique spécifiquement anglo-saxonne « as American as apple pie » comme l'écrit joliment Richard Hadkins (p. 29). On y recourt beaucoup plus fréquemment dans l'Europe du Nord protestante que dans l'Europe du sud catholique – et notamment en France où la pratique ne s'y est pas encore généralisée – où, selon une grille de lecture typiquement wéberienne, la culture de la responsabilité individuelle serait moins développée. Les boycotteurs ont un profil sociologique marqué : jeunes, éduqué(e)s, aisé(e)s et plutôt de gauche.

Il s'agit d'une action de contestation particulière, en phase avec les valeurs individualistes et postmatérialistes de notre temps. le boycott résulte d'une décision individuelle mais s'inscrit dans un cadre collectif, une « action collective individualisée » selon les termes de Michele Micheletti (p. 51). Dans la célèbre typologie d'Albert Hirschman, il se situe à la frontière de la défection (Exit) et de la prise de parole (Voice). Il s'inscrit aux limites de la sphère privée et de la sphère publique, de l'engagement civique (comme faire un don pour une cause humanitaire ou signer une pétition) et de la participation politique (voter, militer dans un parti).

Pour autant, il ne faudrait pas iréniser le boycott et y voir une panacée. Les conditions de son succès sont nombreuses. Un boycott réussi suppose une cible clairement identifié, l'existence de produits de substitution, une communauté soudée de consommateurs limitant le nombre de « free riders », le soutien des médias ... le boycott de Shell orchestré par Greenpeace en 1995 a fonctionné, celui de Danone en 2001 a en revanche échoué. Son efficacité suppose son association avec des modes d'action plus conventionnels : le boycott des produits israéliens ne suffira pas, à lui seul, à mettre un terme à la politique de colonisation des territoires occupés pas plus que le boycott des JO de Moscou n'avait à lui seul ébranlé le bloc soviétique.
Dans sa variante consumériste aujourd'hui comme dans sa variante diplomatique hier, Ingrid Nyström et Patricia Vendramin montrent que le boycott et le buycott, son double actif, ont toute leur place dans les formes contemporaines d'engagement militant.
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