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Critique de SNaumiak


J'avais lu auparavant "Ne le dis pas à maman", de Toni Maguire : Même pays, même période. Toni Maguire n'a pas été enfermée en couvent, ni internée en hôpital psychiatrique. Mais elle a été violée par son père régulièrement.
Je trouve très frappant dans ce pays et à cette période le nombre incroyable de pères violents, totalement dénués d'amour, qui abusent de l'alcool ; et cette perversion sexuelle conduisant au viol qui s'est répandue dans le pays et qui se transmet de génération en génération par la reproduction du schéma parental, phénomène bien connu des psy. Tout adulte qui viole est un adulte qui a été brisé quand il était enfant. Qu'est-ce qui s'est donc passé dans ce pays ?

Ce qui me frappe par ailleurs dans ces deux témoignages est l'absence de main tendue des passants. Que ce soit dans la vie privée de Toni ou dans la vie incarcérée de Kathy, personne ne montre la moindre compassion, personne ne veut lever les yeux pour voir, personne ne veut s'en mêler, pas même dire un seul mot de réconfort. Face à l'enfant qui souffre, de tout le peuple irlandais personne ne veut être concerné ni confronté. Il n'y a pas pire honte que de savoir qu'un enfant est victime d'abus, alors on cache les choses et on les oublie.

Mais ce qui est pire que tout dans l'histoire racontée ici par Kathy O'Beirne, c'est que non seulement les identités des filles sont changées quand elles arrivent chez les nonnes, mais en plus, la moitié de celles qui sont mortes des suites des sévices puis enterrées dans les fosses communes derrière les couvents n'ont pas été identifiées.
Et non seulement ça, mais trente ans plus tard, tout cela est nié par les autorités et les dossiers disparaissent mystérieusement. Kathy remue ciel et terre pour la reconnaissance de ces faits et des souffrances qui en découlent ; et pour toute récompense, elle reçoit en retour des autorités une grande claque : les nonnes sont autorisées à incinérer les corps non identifiés, et basta. Plus de corps, plus de trace. Ni vu ni connu.

Comme Kathy le dit elle-même, c'est un deuxième meurtre. Ces filles ont été assassinées psychiquement une première fois par les tortures, la faim et les viols. Quand, après ça, l'état et l'église refusent de reconnaître qu'au lieu de protéger les enfants il s s'en sont servis comme esclaves et comme soufre-douleur, et qu'ils préfèrent étouffer l'affaire, ces enfants devenus grands - et malheureusement incapables de vivre normalement - se sentent assassinés une seconde fois.

Ca me rappelle les crimes et violences communistes sous Staline qui ont brisé mon père avant son arrivée en France en 1945 à l'âge de 19 ans. Ce n'était pas un problème d'église, les Russes soviétiques voulaient plutôt la détruire. Non, c'était un problème de pouvoir, de domination et d'absence d'amour.

Ce qui me réconforte dans le témoignage de Kathy, ce sont ses derniers mots :
"Je crois au soleil même quand il ne brille pas.
Je crois en l'amour même quand je ne le ressens pas.
Je crois en Dieu même quand il ne répond pas.
Je crois, et c'est ce qui m'a sauvée".

Kathy a su faire la différence entre l'amour de Dieu et les comportements humains. Déjà, depuis toute petite, elle sentait qu'elle ne méritait pas ce qu'elle endurait : elle a toujours pensé qu'elle n'était pas méchante, contrairement à ce que les adultes s'acharnaient à lui faire croire, mais qu'au contraire elle était une bonne petite file.
Comme elle le dit très justement, ses malheurs lui ont appris la compassion. Mais il faut voir à quel point ! Elle veut tellement aider ses soeurs de galère qu'elle devient presque une maman pour elles.
Kathy O'Beirne est formidable.
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