Citations sur Les aventures de Jack Aubrey, tome 4 : Expédition à l'île M.. (6)
Les marins, en général, après plusieurs années de leur vie monacale, si peu naturelle, tendent à considérer la terre ferme comme le jardin des délices, un lieu de perpétuelles vacances, et leurs espoirs ne peuvent en aucun cas être satisfaits. Ce que le terrien ordinaire accepte comme le lot commun, la routine quotidienne des maux domestiques, des enfants, des responsabilités, le marin ordinaire est porté à y voir la négation de ses espoirs, une épreuve tout à fait exceptionnelle, et une intrusion dans sa liberté.
Si je vois encore un vieux crétin de général goutteux m'arracher le pain de la bouche à l'instant où il est beurré, s'est-il exclamé avec rage, je vends mon brevet au plus offrant et que le service aille se faire... Être dépossédé de toute la gloire après avoir fait tout le travail, c'est plus qu'un humain ne peut en supporter.
Quand il était dans l'océan Indien, le capitaine Aubrey rêvait d'un cottage, avec un peu de terre : des rangées de navets, de carottes, d'oignons, de choux et de haricots; à présent, son rêve était réalisé. Mais il avait compté sans le puceron noir, la larve de taupin, la chrysomèle, la larve de tipule, le puceron vert, la piéride du chou. Les rangées étaient bien là, un demi-acre de rangs tracés au cordeau dans la mince couche de pauvre terre spongieuse et jalonnés de quelques plantes naines.
Eh bien, la vérité Stephen, dit Jack, en fixant la vache, la vérité c'est qu'elle refuse le taureau. Il est toujours partant, ah, grand Dieux oui, mais elle ne veut rien entendre. Alors il se met dans une colère folle, il mugit et laboure le sol, et nous restons sans lait.
D'un point de vue philosophique, son comportement est assez logique. Pensez aux grossesses continuelles, lassantes, prix d'un plaisir momentané et, dirais-je, aléatoire. Pensez à l'inconfort physique d'une mamelle pleine, sans parler de la nécessaire parturition, avec les périls qui s'y rattachent. Je laisse de côté le malaise de voir ses descendants transformés en blanquette de veau, qui est propre à la vache. Si j'étais une femelle d'une espèce quelconque, je prierais qu'on me libère de tous ces soucis; et si j'étais, dans ce cas particulier, une génisse, je choisirais certainement de rester sèche.
Francis, le gabier le plus populaire du bord, avant voulu dorer la pomme du mât de grand perroquet de la Boadicca, avait lâché prise, fait une chute spectaculaire de cette hauteur vertigineuse, manqué le pont (et une mort certaine) par la grâce d'un mouvement de roulis, pour venir accrocher le mantelet de sabord numéro douze avec tant de force qu'il avait mis à mal sa cage thoracique et surtout, éraflé la peinture fraîche, ce satané maladroit.
Si dans l'immédiat rien ne pouvait obliger les Boadiceas à aimer les Africaines, il traitèrent du moins leurs hôtes avec une civilité distante - pas de jurons, pas de bagarres, rien qu'un croc-en-jambe ou un petit coup par-ci, par-là, petit accident délibéré.