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Critique de MlleJuin


Je dois malheureusement avouer que je ressors très déçue de cette lecture.
Je suis restée pour beaucoup hermétique à cette évocation romancée d'un épisode de la ( courte ) existence d'un grand homme, et je pense que c'est dû en premier lieu à la forme du récit. L'auteur a en effet choisi de faire se dérouler l'action sur 24 heures. Une seule journée de la vie de Molly Allgood, femme âgée sans le sou vivant recluse dans une petite chambre sans confort, actrice en fin de carrière dont l'alcool est la seule compagnie.
On la suit donc depuis son réveil jusqu'à son retour d'une performance radiophonique dans les studios de la BBC. Ça n'aurait posé aucun soucis si cette particularité temporelle avait été la seule originalité du roman mais ce n'est pas le cas. La narration de ce seul jour est en fait émaillée de multiples souvenirs, livrés de façon confuse, souvent sans aucune démarcation au niveau du texte – ni alinéa, ni paragraphe, ni saut de ligne-, qui projettent le lecteur du présent au passé sans aucune transition.
S'ajoute à ça le fait que le récit est tantôt conduit à la première personne, tantôt à la deuxième, tantôt à la troisième.
Personnellement j'ai manqué de repères et, c'est bête, mais ce peu de structure m'a perdue.

L'essentiel du roman est composé de longs passages narratifs, pour beaucoup descriptifs et introspectifs. Une bonne part du texte correspond en effet à ce que, en ce qui me concerne, j'ai pris pour un long dialogue de l'héroïne avec elle-même. Elle use du « tu » pour commenter sa situation, présente ou passée, et livre au lecteur ses pensées les plus intimes, sans aucune retenue. Au fur et à mesure de ce discours intérieur on en apprend donc un peu plus sur celle qui, alors qu'elle était une toute jeune femme, a croisé la route de John Synge, William Yeats et Lady Gregory sur les planches de l'Abbey Theater de Dublin.
Soeur de la célèbre Sara Allgood, qui a fait carrière à Hollywood ( et a notamment tourné pour Alfred Hitchcock ), Molly – Maire de son vrai prénom – a grandi sans père dans une famille modeste. de caractère affirmé, elle n'a jamais pris au sérieux les incessantes mises en garde de sa mère et a plongé la tête la première dans la vie, son métier d'artiste et, bien sûr, sa relation avec John Synge. Par bien des aspects scandaleuse aux yeux des gens ( l'écart d'âge entre autres ), cette histoire d'amour a été au centre de son existence et a continué à occuper ses pensées jusque bien après la mort de celui dont elle a été la fiancée, l'amie et la muse mais, finalement, jamais l'épouse.
Mais de cet épisode amoureux nous n'avons finalement que quelques bribes, dont certaines purement fictives ( comme le précise l'auteur dans l'épilogue ), issues des souvenirs d'une Molly qui vit, en ce début des années 50, comme une marginale. Seule dans son réduit, sans argent, usant de l'alcool comme moyen de subsistance et compagnon des plus sombres instants, maintenue à distance de sa fille et de ses petits enfants par l'éloignement géographique et le manque d'enthousiasme à son encontre d'un gendre peu avenant, chaque jour est pour elle une lutte. Perçue par son voisinage comme une vieille folle encombrante, personne ne semble savoir qui elle est et, surtout, a été, et de qui elle a partagé la vie durant quelques années.
Le récit est donc en majorité assez sombre, et il tient plus des élucubrations décousues d'une femme que la vie n'a pas épargnée – et qui n'a plus vraiment toute sa tête – que du roman d'amour.
De Synge on apprend finalement peu de choses. Joseph O'Connor évoque un homme passionné par son pays, dont il ne cesse de parcourir les paysages, accro à son travail d'écriture, vivant une relation fusionnelle et castratrice avec sa mère, et, malgré tout, assez frileux dans sa relation avec Molly.

L'épilogue remet les choses à leur place. L'auteur y explique effectivement que « Muse » est très largement romancé, que ce n'est rien d'autre qu'une vision très personnelle de ce qu'ont pu être la relation entre John et Molly et les dernières années de celle-ci. Ayant grandi tout près de la maison que le dramaturge a longtemps occupée avec sa mère, il a grandi bercé par les anecdotes des uns et des autres et s'est inventé ses propres personnages, sans tenir compte de la véracité historique des faits.
Et, pour ma part, c'est justement cet aspect très « privé » du récit qui a fait que je n'ai pas pu me l'approprier. Je suis malheureusement restée extérieure à l'histoire, je ne me suis à aucun moment sentie proche des personnages et j'ai finalement regretté que tout soit si largement romancé, interprété et imaginé. J'aurais aimé quelque chose de plus concret, de plus biographique. J'ai aussi eu beaucoup de mal avec le style de John O'Connor dans ce livre, je l'ai trouvé trop brut et il ne m'a pas touchée.
Ce fut donc une assez désagréable expérience mais ce roman m'a donné envie d'en apprendre plus sur John Synge, dont le livre « Les îles Aran » est dans ma wishlist depuis un bon moment déjà, et sur Molly Allgood.
Lien : https://mllejuin.wordpress.c..
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