Alfred Hitchcock - Interview (1956)
Quand le méchant est réussi, le film l'est aussi.
La vie, ce n'est pas seulement respirer,c'est aussi avoir le souffle coupé !
" Puis la douleur s'installa, estocade finale de l exquise agonie qui effaçait toute conscience des choses, à l'exception d'elle-même. Peut-être était ce une douleur misericodieuse. Une douleur qui renfermait son propre pouvoir d'autodestruction. Elle amenait la mort, et la mort anéantit tout..."
"Il y avait en elle cette curieuse combinaison de jeune fille respectable et de femme dissolue qui fait tourner la tête à tous les hommes."
Vous connaissez l'histoire des deux chèvres qui sont en train de manger les bobines d'un film adapté d'un best-seller et l'une dit à l'autre : "Moi je préfère le livre".

Hitchcock réaliste ? Dans les films comme les pièces, le dialogue ne fait qu’exprimer les pensées des personnages alors que nous savons qu’il en va souvent autrement dans la vie, en particulier dans la vie sociale chaque fois que nous sommes mêlés à une réunion entre personnes qui ne sont pas des intimes : cocktails, repas mondains, conseil de famille, etc.
Si nous assistons, en observateur, à une réunion de ce genre, nous sentons très bien que les paroles prononcées sont secondaires, de convenance, et que l’essentiel se joue ailleurs, dans les pensées des invités, pensées que nous pouvons identifier en observant les regards. /.../
C’est ainsi qu’Alfred Hitchcock se trouve être pratiquement le seul à filmer directement, c’est à dire sans recourir au dialogue explicatif, des sentiments tels que le soupçon, la jalousie, le désir, l’envie et cela nous amène au paradoxe : Alfred Hitchcock, le cinéaste le plus accessible à tous les publics par la simplicité et la clarté de son travail, est en même temps celui qui excelle à filmer les rapports les plus subtils entre les êtres.

[…] tout son entourage savait qu’un cinquante-quatrième film de Hitchcock était hors de question tant son état de santé – et son moral- s’étaient délabrés.
Dans le cas d’un homme comme Hitchcock, qui n’avait vécu que par et pour son travail, un arrêt d’activité signifiait un arrêt de mort. Il le savait, tout le monde le savait, c’est pourquoi les quatre dernières années de sa vie ont été si tristes.
Le 2 mai 1980, quelques jours après sa mort, une messe a été dite dans une petite église de Santa Monica Boulevard, à Berverly Hills. L’année précédente, dans la même église, c’est à Jean Renoir qu’on disait adieu. Il y avait la famille, des amis, des voisins, des cinéphiles américains et même de simples passants. Pour Hitchcock, ce fut différent. Le cercueil était absent, il avait pris une destination inconnue. Les invités, convoqués par télégramme, étaient notés et vérifiés à l’entrée de l’église par le service d’ordre de la Société Universal. La police faisait circuler les curieux. C’était l’enterrement d’un homme timide devenu intimidant qui, pour une fois, évitait la publicité puisqu’elle ne pouvait plus servir son travail, un homme qui s’était exercé depuis l’adolescence à contrôler la situation.
L’homme était mort, mais non le cinéaste, car ses films, réalisés avec un soin extraordinaire, une passion exclusive, une émotivité extrême masquée par une maîtrise technique rare, n’en finiraient pas de circuler, diffusés à travers le monde, rivalisant avec les productions nouvelles, défiant l’usure du temps, vérifiant l’image de Jean Cocteau parlant de Proust : « Son œuvre continuait à vivre comme les montres au poignet des soldats morts. »
Une fois le style d'histoires recherchées pour la série défini, il restait à en élaborer la présentation. En effet, "Alfred Hitchcock Presents " était conçue dès le départ comme ce que les critiques anglo-saxons appellent anthologie ; c'est-à-dire une série qui n'a pas de héros récurrents, et donc chaque épisode raconte une histoire complète, bouclée sur elle-même et parfaitement indépendante des autres.
Si l’on veut bien à l’époque d’Ingmar Bergman, accepter l’idée que le cinéma n’est pas inférieur à la littérature, je crois qu’il faut classer Hitchcock - mais au fait pourquoi le classer ? - dans la catégorie des artistes inquiets comme Kafka, Dostoïevski, Poe.
Ces artistes de l’anxiété ne peuvent pas nous aider à vivre, puisque vivre leur est déjà difficile, mais leur mission est de nous faire partager leurs hantises. En cela, même et éventuellement sans le vouloir, ils nous aident à mieux nous connaître, ce qui constitue un but fondamental de toute oeuvre d’art.
François Truffaut
Le théâtre, c'est la vie ; ses moments d'ennui en moins.