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Critique de Musa_aka_Cthulie


Après En route vers Cardiff, encore une "pièce de la mer", ce qui n'étonnera personne puisque O'Neill travailla comme marin pendant deux ans, un peu à l'instar de Melville et de Conrad - qui, lui, passa beaucoup plus de temps en mer que ses confrères.


Le capitaine Keeney dirige un baleinier d'une main de fer ; il est détesté de l'équipage. Le bateau est stoppé par les glaces, qui l'empêchent de continuer sa route vers le Nord, vers les baleines, et par conséquent vers l'huile qu'elles fournissent et qui est l'objet d'un commerce juteux. Depuis des mois que le baleinier est coincé, il est enfin possible de revenir en arrière et de prendre la route du Sud, les maigres et peu ragoûtantes provisions suffisant à peine au voyage. Les hommes sont à bout, et la femme du capitaine, qui a tenu à suivre on mari dans ce voyage, l'est encore davantage : tout le monde dit qu'elle n'est plus elle-même, qu'elle perd la tête lentement mais sûrement. Mais pas question pour l’implacable Keeney de céder à l'équipage, et de ne pas rapporter autant de tonneaux d'huile que d'habitude. Par par appât du gain, mais par une obstination qui confine à la folie. L'attachement qu'il a pour sa femme le fera cependant hésiter, mais...


Histoire d'une double descente dans la folie, De l'huile aborde un nouveau côté sombre de l'être humain. Keeney est un être qui ne veut, ne peut écouter personne, tant il est habité par une obsession malsaine. Sa femme, son pendant, perd la raison parce qu'emprisonnée dans le bateau comme dans sa vie d'épouse - si elle a voulu suivre son mari en mer, c'est parce que la vie oiseuse et solitaire qu'elle mène à terre lui est insupportable. Mais ses désirs à elle ne comptent pas, et ses aspirations à lui écrasent son entourage.


C'est aussi morbide qu'efficace. À ceci près que quelque chose m'a gênée : même sans avoir lu Moby Dick, il est impossible de ne pas penser à ce roman. Je ne sais pas si O'Neill s'est inspiré consciemment de Melville, n'ayant dégoté aucune info là-dessus ; mais le contraire serait très étonnant. Alors certes, c'est la psychologie qui prend le dessus chez O'Neill, ainsi que le contraste, qui fait symétrie, des deux personnages principaux. La critique sociale, dans une pièce qui met face à face un homme et une femme qui ne sont évidemment pas sur un pied d'égalité, est aussi d'importance. Il n'est pas question à proprement parler de métaphysique, on ne trouve pas dans cette pièce la portée de certains textes de Melville. Et je ne crois pas qu'il y ait chez O'Neill l'ambition de son aîné, mais juste la volonté de montrer très simplement, à partir d'une situation somme toute banale, comment l'être humain se tient constamment sur une corde, prêt à basculer dans le vide, ballotté entre ses désirs et ses frustrations - comme il le disait lui-même.


Cela dit, avoir en tête Moby Dick tout le temps dans la lecture, c'est justement assez frustrant. Mais pas tout à fait au point d'en perdre la raison, c'est heureux.
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