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Critique de POY1


POY1
04 février 2024
Puisant toujours dans ma PAL 2013, année qui coïncide avec l'intervention des armées françaises dans la bande subsahélienne, j'ai abordé un livre très éclairant écrit par Isabelle Lasserre et Thierry Oberlé, deux journalistes qui expliquent comment la France en est venue à se déployer pour sécuriser la zone nord Mali/Niger.

Historiquement, le Sahara a toujours été une zone de trafic commercial, légal ou non. Difficile à contrôler le désert est poreux à tous les mouvements les plus discrets. L'après-guerre civile algérienne a amené les groupuscules islamistes à se réfugier dans cette bande sud. Vivant de contrebandes (cigarettes, drogues, migrants…), ils occupèrent ces régions abandonnées par des états africains défaillants. Pourvoyeurs de combattants pour l'Afghanistan et autres pays troublés par la mouvance islamiste, AQMI et consorts consolidèrent leurs socles de connaissances sur la guerre asymétrique. Avec la chute de Kadhafi, c'était l'opportunité de renforcer les moyens en puisant dans les stocks d'armement libyens. Tout était donc réuni pour que ces Arabes créent un « Maliland ». Il fallait quand même compter avec les Touaregs dont c'est également une partie du territoire et qui revendiquent leur indépendance.

Alors, quand le pouvoir s'effondre à Bamako, la probabilité de la poursuite de l'expansion vers le sud des islamistes est très forte. C'est non seulement la stabilité régionale qui est fragilisée mais c'est un risque sécuritaire pour l'Europe. Parce que les états africains n'ont pas les moyens politiques et militaires, que l'Europe tergiverse comme d'habitude, soutenue par l'ONU, la France lance la guerre au Mali, avec l'assentiment des Américains qui nous soutiendront avec une aide matérielle dont nous ne disposons pas pour intervenir en autonomie.

Ce n'était pas le retour de la politique Françafrique, c'était nécessaire et cela devait être limité dans le temps. Cela le fut pendant dix ans et, depuis l'année dernière, le mandat français s'achève pour de mauvaises raisons. Car la France y était et cela faisait l'affaire de tous, Africains et Européens. Ce ne sont pas les Chinois qui sont responsables de notre départ, pourtant toujours attirés par la matière première africaine comme la mouche sur le miel. C'est trop loin de leur zone d'influence militaire. Ce ne sont pas les Américains qui préfèrent laisser le rôle de gendarme aux spécialistes français de l'Afrique. Non, ce sont les Russes. Poutine usant de Wagner pour attaquer les occidentaux de manière indirecte comme au bon vieux temps de la Guerre froide. Vengeance de notre soutien à l'Ukraine.

Les Russes sont les déclencheurs mais les vrais responsables de notre départ sont les Maliens, ou plutôt les putschistes militaires de Bamako. La dictature, maladie africaine, qui bloque la résolution de tous les problèmes du continent. Pris par leurs intérêts personnels, les militaires au pouvoir chassent les Français sur conseils des Russes, moyennant contributions probablement. Pourtant le problème n'est pas réglé. Une permanence militaire est toujours nécessaire dans la zone pour lutter contre la prolifération de ces groupuscules. Les Maliens avec le soutien des Africains ont la légitimité de maintenir la paix, ce qui nécessite également de traiter les demandes touarègues.

Cette intervention française est une réussite car elle était nécessaire. C'est un échec car la relève n'a pas été assurée. La menace reviendra. Qui interviendra cette fois-ci ? Sera-t-il possible de reprendre la main encore une fois ? Sans parler de l'Europe qui n'a jamais eu une vision stratégique du monde cohérente, la France sait que le danger vient toujours du Sud. Ce livre fait un constat 2013. Lu en 2024, son éclairage sur la situation d'alors ne peut rassurer sur l'avenir.
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