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Critique de topocl


topocl
17 septembre 2015
« Pourquoi ne trouve-t-on au Japon aucun écrivain capable de réconforter vraiment ses lecteurs ? »

J'ai du mal avec les romans japonais. Mais régulièrement, je re-tente. C'est pourquoi j'ai pris Une existence tranquille.
Et bien, c'est tout çà fait un roman japonais ! C'est à dire qu'il y a plein de choses intéressantes, mais que je m'y sens un peu à distance, j'y vois un coté figé voire compassé même si pour une fois, les émotions sont extrêmement intenses et à fleur de peau.

Ce livre est un récit en ce sens qu'il décrit une tranche de vie. Il est très astucieux parce qu'on peut y voir l'autoportrait sans concession de l'auteur, (qui, c'est le moins qu'on puisse dire ne se ménage pas), alors que justement il est le grand absent du livre. En effet il a pris une année sabbatique aux États-Unis, emmenant sa femme et «abandonnant » ses trois enfants jeunes adultes, attitude qui est critiquée par la plupart des protagonistes du livre. Il se décrit donc alors qu'il n'est pas là, et en même temps, décrit sa famille alors même qu'elle est éclatée, qu'il l'a en quelque sorte reniée. On sent quand même à travers les lignes l'immense amour qu'il voue à chacun et à cette bizarre construction à cinq qu'ils sont arrivés à élaborer, et ce, en dépit de ses caprices de grand homme.

C'est surtout le portrait de Mâ, la fille cadette, une jeune fille naïve, réservée, consciencieuse. C'est elle qui a la charge de ses deux frères, de son aîné handicapé mental léger, souvent déconcertant, joyeux et attentif, compositeur prodige, et de Ô le plus jeune, pragmatique, qui se consacre à ses études. Là, ça se discute pas, c'est le rôle des femmes de s'occuper des hommes : l'épouse suit son mari, la fille s'occupe de ses frères. Ce qui est plus satisfaisant, c'est la relation douce et passionnelle entre Mâ et son frère handicapé, chacun, bien sûr, enrichissant l'autre.

Le récit est un enchaînement de petits faits quotidiens, de description de personnes, de jours qui passent avec leurs joie et leur peurs, d'événements heureux et malheureux. Mais on y trouve aussi des échanges intellectuels, une quête de soi, tout cela souvent assez cérébral et cet aspect m'a rebutée. D'autant plus qu'il s'appuie sur l'analyse d'oeuvres culturelles que je ne connais pas (William Blake, Céline qui curieusement fascine Mâ par sa tendresse, Stalker de Tarkovski). J'ai beaucoup aimé, face aux élucubrations existentielles du père, l'attitude du vieux couple qui protège les enfants, mi-fou mi-sage, qui, au lieu de se torturer le ciboulot, met en actes ses choix de vie, et tout particulièrement de Mme Shigetô et sa théorie des « personnes de rien du tout ».

« Mon sentiment, c'est que je suis née comme une personne de rien du tout, que je vis en conséquence, que je vivrai encore ainsi un certain temps, et puis que je mourrai comme une personne de rien du tout.(...).
Ce que je pense, avec ma tête absolument ordinaire, c'est que tant que je vivrai comme une personne de rien du tout, en veillant à ne m'accorder aucun privilège même le plus insignifiant, je garderai une marge de manoeuvre. À partir de là, il suffit qu'à ma façon, je m'efforce de faire pour le mieux. Même si pour moi, « faire pour le mieux », ça n'est rien de plus que prêter une écharpe à une fille fatiguée qui avait froid, comme M. Shigetô a eu la gentillesse de s'en souvenir.
Mais malgré tout, j'ai l'impression que si l'on s'en tient à cette résolution de vivre comme une personne de rien, et bien au moment de mourir on doit pouvoir paisiblement revenir à zéro. Puisqu'il ne s'agit pas de passer de presque zéro à zéro. »

Comme quoi, même un livre qui ne vous accroche pas trop, c'est bien intéressant !
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