AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de solario


Enfin un nouveau roman du très british (en tout cas, dans ses références) Jean-Pierre Ohl ! Après une incursion, très réussie du reste, dans l'univers de l'anticipation avec Redrum, voilà que ce grand admirateur de Dickens revient à ses premières amours avec un roman absolument jubilatoire, entre roman policier et roman historique, en forme de variation pittoresque et délicieusement ironique autour des canons qui régissent ces univers romanesques. L'auteur s'amuse à faire ce petit pas de côté qui fait de son roman non pas un livre "à la manière de" mais un roman somme toute très contemporain dans sa thématique puisqu'il y démontre sans pour autant tomber dans l'anachronisme combien nous sommes les héritiers de cet emballement du progrès et de son corollaire diabolique : le profit . C'est en effet le début de la révolution industrielle qui intéresse cette fois l'auteur des Maîtres de Glenmarkie : s'y dessinent les prémices d'un capitalisme à marche forcée, d'un monde où l'ouvrier, plus que jamais, voit ses pauvres droits se réduire comme peau de chagrin alors que dans le même temps les investisseurs s'enrichissent de plus belle. Il y a du Zola (ou du Dickens) dans certains passages du Chemin du diable, dans la manière dont Jean-Pierre Ohl dénonce par la voix de certains de ces personnages le sort réservé aux plus faibles.
Si le pan historique est très réussi, à la fois très documenté mais aussi très vivant par la grâce de personnages aussi incarnés que pittoresques, l'aspect policier ne l'est pas moins ! Une intrigue que n'aurait pas renié le célèbre ami et rival de Dickens Wilkie Collins tient le lecteur en haleine d'un bout à l'autre du roman.
Un cadavre, des traces de roue dans la boue, des armoiries sur un poignard, un livre dédicacé par Danton, un égyptien à tête de brioche, des serrures sophistiquées, une jeune fille évanescente, un amoureux transi et un enquêteur pas si naïf que l'on pourrait croire se mêlent dans un joyeux ballet sans que l'on s'y perde un instant, tout au contraire ! Il y a là un immense plaisir de lecture à se laisser emporter par le style très imagé de Jean-pierre Ohl qui maîtrise à merveille l'art de la métaphore dans un chassé-croisé de personnages sorti de son imaginaire pour le moins fécond...
On retrouve dans Le chemin du diable tout ce qui faisait le sel et le charme des précédents romans de Jean-Pierre Ohl, cette alchimie très élégante entre érudition, humour, clins d'oeil à la culture qui le nourrit et l'inspire. Ici, une autre dimension se greffe au propos : est-ce parce qu'il parle moins de fiction (même si le personnage de Dickens enfant qui apparaît en personnage secondaire lui permet de très belles pages sur le processus de la création littéraire) et plus du monde qui est le nôtre que le propos est aussi très mélancolique et parfois sombre ? Tapies en embuscade la mort et la violence rôdent alors que le rire et l'ironie ne sont jamais loin. Et le roman est alors plus qu'un très brillant divertissement, un roman où se dessinent au crayon pâle des abîmes insoupçonnés, de ceux qui nous effraient, reflets de nos fragiles conditions humaines.
Commenter  J’apprécie          30



Ont apprécié cette critique (2)voir plus




{* *}