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Critique de Charybde2


"Les vérités aux longues oreilles et les mensonges à queue courte"

Troisième roman de cette jeune Finlandaise d'origine en partie estonienne, paru en 2008 et couronné de nombreux prix dont le Fémina Étranger 2010, ce récit débute de manière presque anecdotique : une jeune fille apparemment en perdition débarque en 1992 (un an après la "nouvelle" indépendance de l'Estonie donc), dans la cour de ferme d'une sombre grand-mère estonienne.

Par un savant jeu de flashbacks nous renvoyant à la période 1940-1950, et donc aux affres de l'invasion soviétique de 1940, de l'invasion nazie de 1941 puis de la stalinisation de l'Estonie, le récit nous découvre progressivement, en cette jeune fille échevelée et cette grand-mère taciturne, deux personnages bien différents de l'éventuelle première impression... En dire plus ne serait guère sympathique pour ce patient travail de révélation.

"Le cerveau d'Aliide se gonfla. Les rideaux se soulevaient frénétiquement, les anneaux cliquetaient, le tissu claquait. le craquement du feu avait disparu, le tic-tac de l'horloge était couvert par le vent. Tout se répétait. Même si le rouble avait été remplacé par des couronnes, si les avions militaires lui volaient moins au-dessus de la tête et si les voix des femmes d'officiers avaient baissé d'un ton, même si les haut-parleurs sur la tour du Grand Hermann jouaient tous les jours le chant d'indépendance, il venait toujours de nouvelles bottes de cuir chromé, toujours de nouvelles bottes, semblables ou différentes, mais qui avaient la même façon de marcher sur la gorge. Dans la foret, les tranchées s'étaient refermées, les douilles ternies, les blockhaus écroulés, les morts à la guerre s'étaient décomposés, mais les événements déjà vus se répétaient.

Remarquablement écrit (et/ou traduit), le roman est toutefois peut-être (un tout petit peu) trop "prévisible" pour pleinement mériter l'engouement critique un rien complaisant de l'automne dernier... Reste en tout cas la saisissante impression que rarement un auteur a su faire partager avec autant de force un constat bien glaçant : la violence totalitaire, fasciste ou stalinienne, comme son alter ego néo-libéral, faussement souriant, s'engouffrent dans la moindre faille de chaque être humain, et lorsqu'elles ne tuent pas, rendent presque irrémédiablement fou... y compris à l'insu des victimes.
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