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Critique de VincentGloeckler


Sous une couverture aux couleurs des prairies fleuries d'un paradis, Eden, justement, est le magnifique nouveau cadeau que nous offre la romancière islandaise Audur Ava Ólafsdóttir. On y retrouve cette structure du récit en archipel, si particulière qu'elle est comme la marque de fabrique de l'écrivaine, qui, dans le présent texte, la transforme, dans une remarque de la narratrice, en métaphore de l'existence : « La vie est une succession de chapitres, un enchaînement de chapitres innombrables et distincts ». On y goûte surtout, comme à chaque nouvelle traduction de l'auteure, le même charme envoûtant, comme un je-ne-sais-quoi fait d'émotions et d'humour léger, d'attention candide aux décors comme à la qualité des relations humaines, de sensualité autant que de profondeur de réflexion. Et, cette fois, en raison même de la profession et des centres d'intérêt de la narratrice, s'y ajoute le sel supplémentaire d'une méditation vagabonde et souvent lumineuse, au fil des mots et de leur étymologie, sur les liens entre la langue et le monde.
Correctrice et traductrice occasionnelle pour une maison d'édition, Alba est enseignante-chercheuse, linguiste et grammairienne de la langue islandaise, et, à ce titre, souvent invitée à participer à des colloques sur les langues minoritaires menacées de disparition. Au retour d'une de ces rencontres, bien consciente qu'il n'y a pas que les petites langues que l'extinction guette, mais aussi la biodiversité, l'humanité, voire la terre entière, à cause du réchauffement climatique, elle calcule que l'empreinte carbone générée par ses déplacements de l'année précédente ne pourrait être compensée que par la plantation de cinq mille six cents arbres… Une annonce immobilière, proposant l'achat d'une maison isolée au pied d'une montagne, comme un séjour de vacances idéal, retient bientôt son attention. Apprenant en outre, au cours de sa visite, que l'ancienne propriétaire n'est autre qu'une auteure de romans policiers dont elle a plusieurs fois corrigé les épreuves, elle décide d'acquérir le terrain, soutenue par l'enthousiasme complice de son père. Tandis qu'elle apprivoise peu à peu les lieux, liant amitié avec la boulangère-quincaillère du village ou l'original vendeur d'une épicerie de la Croix-Rouge, mais rencontrant l'hostilité de sa soeur ou d'un voisin, éleveur de brebis, qui la voit d'un mauvais oeil ériger une clôture, elle plante peu à peu des centaines de pousses de bouleaux, envisageant de prolonger le reboisement de son terrain par des mélèzes, un érable, deux pommiers. Aidée dans cette tâche par Danyel, un jeune réfugié avide d'apprendre l'islandais, elle cultive son jardin autant que leur passion commune pour les mots, les images et les rêves qu'ils suscitent…
Empreint ainsi de sagesse voltairienne, le roman d'Audur Ava Ólafsdóttir nous enchante autant qu'il nous invite à réfléchir à l'urgence de garder une relation poétique au monde, aussi bien par nos manières de le nommer que par nos gestes pour le protéger… Un Eden islandais à rejoindre par la lecture, la plus douce des manières de ne pas augmenter notre propre empreinte carbone !
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