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Critique de ODP31


Le récit sans voile de l'oppression de femmes musulmanes. Un texte courageux, les mots sans niqab, pour un roman qui a valu à son auteure, Sara Omar, des menaces de mort quand il a été publié au Danemark en 2017.
Frmesk est née en 1986 dans le Kurdistan Irakien et sa petite enfance va être marquée par l'inculture de l'honneur, par des actes de barbarie perpétrés à l'encontre de femmes jugées impures par des maris, des frères et même des mères ou des soeurs, au nom d'une religion et de traditions barbares. Pour Frmesk et toutes ses soeurs d'infortune la moindre affirmation de soi est réprimée dans la violence, la plus infime des libertés devient un sacrilège. La violence n'a besoin d'aucun alibi quand il s'agit de museler ces femmes.
Pour la protéger de la violence de son père et du fanatisme d'une belle-mère, Frmesk va être confiée à ses grands-parents maternels, étincelles de lumière qui défient l'obscurantisme. Il y a Darwesh, le grand-père, intellectuel malicieux et agnostique et surtout Gawhar, cette grand-mère miséricordieuse, fervente croyante qui se charge de laver le cadavre des femmes innocentes victimes du fanatisme. Ce couple extraordinaire permet de ne pas totalement désespérer de l'espèce et d'apporter au récit un peu de joie face à une violence exacerbée par la guerre Iran-Irak qui faisait rage à cette époque.
Fremsk raconte son enfance depuis la chambre d'un hôpital au Danemark trente ans plus tard. Elle couche sur papiers ses cauchemars, comme pour expulser certaines visions d'horreurs qui hantent ses nuits. Elle se rapproche d'une jeune infirmière également musulmane et elle-même tourmentée par un père qui n'accepte pas sa vocation et semble obsédé par le déshonneur de la famille. le récit alterne présent et passé, l'horreur se jouant de l'espace-temps et des lieux. L'ignorance et le fanatisme n'ont pas de frontières mais portent des montres qui retardent de plusieurs siècles.
Ce roman n'est pas dur, il est implacable. Sara Omar rend la description de l'insoutenable nécessaire. La violence n'y est pas gratuite, elle témoigne d'une réalité inacceptable à la fois dans son pays d'origine et dans sa terre d'accueil.
De nationalité kurde, l'auteure est née comme son héroïne en Irak en 1986. Elle y est restée jusqu'à ses 10 ans puis transitera par un camps de réfugiés avant de s'installer au Danemark. C'est également lors d'un séjour en hôpital suite à une tentative de suicide que l'écriture de ce livre deviendra pour elle une nécessité, une question de survie.
A noter l'excellence de la traduction de Frédéric Fourreau, notamment pour les dialogues avec des conversations qui raisonnent comme des sentences.
Je pense avoir l'estomac bien accroché et je n'ai pas la larme facile, coeur parapluie, mais je dois avouer que de tous les romans de cette rentrée littéraire, La laveuse de morts est celui qui aura le plus secoué le tambour de mes pensées. Nettoyage à sec pour un titre qui peut rebuter mais qui n'est pas réservé aux thanatopracteurs.
Dans cette histoire, on ignore les épisodes qui relèvent de la fiction et ceux qui s'inscrivent dans le registre de l'autobiographie mais nul doute que Frmesk et l'auteure partagent les mêmes gênes.
D'ordinaire, j'ai la cinquième étoile timide mais je la délivre sans retenue pour ce roman en espérant que cette lecture essentielle mais éprouvante séduise beaucoup d'autres lecteurs.
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