Il était à la fois sujet et objet, il se regardait vivre, prêt à s'étonner, incapable de déterminer quels actes lui appartenaient en propre, et lesquels étaient empruntés ou réalisés par pur caprice.
Exactement ça: un cactus, le mur du cimetière en pierres sèches, un mugissement répété sur le fond invisible de l'après-midi; et l'été encore indécis avec son soleil blanc et tâtonnant, le bourdonnement des mouches, l'odeur d'essence qui me venait de la voiture, indolente; l'été, la sueur comme de la rosée, la paresse.
Malgré les années, les modes et la démographie, les habitants de la ville étaient toujours les mêmes. Timorés et vaniteux, obligés de juger pour se donner confiance, et jugeant toujours par envie ou par peur. Le plus clair à dire sur eux était qu'ils étaient dépourvus de joie et de spontanéité, qu'ils ne pouvaient être que des amis tièdes, des ivrognes agressifs, des femmes qui ne cherchaient que la sécurité et étaient interchangeables comme des jumelles, des hommes frustrés et solitaires. Je parle des Sanmariniens; peut-être les voyageurs ont-ils aussi constaté que la fraternité humaine est, dans les circonstances défavorables, une vérité décevante et étonnante