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Critique de Ingannmic


Il le savait, Cipriano Parodi... la tante Zobenigo, cette originale un peu médium à ses heures, l'avait prévenu : "une bête", un ennemi, devait à un moment ou un autre faire irruption dans sa vie. Il n'a d'ailleurs jamais oublié cette prédiction, qui lui revient instantanément à l'esprit, une décennie plus tard, lorsqu'il reçoit une lettre du célèbre écrivain Caspar Jacobi. Ce dernier, ayant lu le premier roman de Cipriano, est persuadé que "d'obscurs liens les unissent", et l'invite à New York.
Notre héros quitte ainsi sa Venise natale, et accepte quelques jours plus tard la proposition du "maître" Jacobi (cet auteur très prolifique est considéré comme le nouvel Alexandre Dumas) d'intégrer son "atelier". Il s'agit de rejoindre une équipe chargée de fournir à Caspar le matériau nécessaire à l'élaboration de ses romans, les uns fournissant des trames d'histoires, les autres brossant le portraits de personnages divers...

Alberto Ongaro emmène le lecteur au coeur des mécanismes de la création littéraire, dont il explore la part obscure, lorsqu'elle devient obsession, compulsion, lorsque certains sont prêts à tout, quitte à compromettre leur âme, pour satisfaire ses exigences. Car c'est comme une entité indépendante, un trésor difficilement atteignable que ce roman semble évoquer la littérature, Caspar Jacobi étant l'un des pirates les plus obstinés dans la quête de ce trésor... Charmeur, éloquent, il révèle peu à peu une facette inquiétante. Détenteur sur ses "artisans littéraires" d'un pouvoir presque surnaturel, il semble deviner leurs pensées, vampirisant sans vergogne leur inspiration.
C'est du moins ainsi que le perçoit dans un premier temps Cipriano, auquel nous sommes obligés de nous fier puisqu'il est le narrateur. Mais il est parfois difficile de démêler le vrai du faux, lorsque le dit narrateur se pense entouré de personnages de fiction issus de son imagination, qu'il interprète événements et comportement d'autrui à travers le prisme de ses fantasmes romanesques, nourries d'influences littéraires et cinématographiques diverses, inventant ainsi des alternatives à la réalité, la parant d'interprétations fantaisistes. Il considère en effet que l'importance ne réside pas dans la fidélité à une vérité de toutes façons relative, mais dans l'intérêt que le récit suscite chez celui qui le lit ou l'écoute...
Voilà qui confère à l'écrivain un pouvoir immense, celui de donner vie au néant, de rendre perceptible le monde issu de son imagination, puisque raconté, il devient palpable, concret.

Dans un second temps, la perception de Cipriano vis-à-vis de l'imposant Caspar Jacobi évolue. Il donne alors le sentiment de se mettre lui-même en scène : délaissant son statut d'instrument, d'écrivain de l'ombre manipulé, il se pose à son tour comme maître du jeu, ou tout au moins comme un participant volontaire et satisfait de ce jeu.
Avec humour et recul, puisqu'il se pose en observateur de son propre travail d'écriture, il met en évidence les procédés littéraires qu'il utilise pour rédiger le roman que nous sommes en train de lire, puisque c'est aussi de cela qu'il s'agit, d'une habile mise en abîme, une oeuvre s'imbriquant dans l'autre, Alberto Ongaro écrivant le récit qu'écrit Parodi...

C'est comme si le roman de Cipriano se construisait de manière fortuite, irréfléchie : le lecteur assiste à l'enfantement de l'oeuvre sans toutefois avoir l'impression qu'elle se fasse dans la douleur... L'auteur nous donne l'illusion (car en réalité, tout est parfaitement maîtrisé) que son héros l'élabore au fil de ses interrogations, de ses tâtonnements, et qu'il découvre ainsi peu à peu que la littérature ne doit être que plaisir et fantaisie.
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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