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Critique de kuroineko


Livre lu dans le cadre de l'opération Masse Critique de février. Un grand merci à Babelio et aux éditions La Manufacture des Livres. J'attendais la parution de cet ouvrage avec impatience. le recevoir gracieusement en échange d'une critique, c'est encore meilleur.

J'avais déjà eu connaissance lors de mes lectures sur l'Histoire japonaise du cas extraordinaire d'un soldat ayant poursuivi la guerre après la reddition impériale d'août 1945. Je n'avais pas retenu son nom mais j'avais été marquée par cette guérilla sur une île des Philippines pendant près de trente années. Comment cela pouvait-il être possible? Et surtout, comment avait-il pu réagir en apprenant la défaite de son pays trois décennies plus tard, autant de temps passer à combattre et résister pour rien finalement?

Les mémoires de ce soldat, Onoda Hirô, m'ont apporté toutes les réponses à mes interrogations. Il décrit brièvement sa vie de son enfance jusqu'à son incorporation comme officier dans un régiment particulier, celui de la guerre secrète (sabotage, espionnage, désinformation de l'ennemi, etc). Né en 1922, il a grandi dans un Japon militariste aux visées expansionnistes et hégémoniques sur la Grande Asie. Cet esprit était largement diffusé dans les populations au sein des écoles, journaux et associations villageoises ou de quartiers. L'appel aux valeurs combattantes jusqu'au sacrifice au nom de l'Empereur divin Shôwa ne fit que croître au fil des années 1930 jusqu'à devenir un embrigadement mental de tous pendant la guerre du Pacifique. Ce cadre contextuel particulier où les valeurs des samouraïs s'allient au jusqu'au boutisme militaro-colonialiste explique l'état d'esprit du jeune officier Onoda lorsqu'il part en 1944 pour une île des Philippines avec quelques autres frères d'armes pour y mener des opérations de guérilla.

Dans ce récit publié au Japon peu après son retour sur sa terre natale, qui a beaucoup changé durant sa longue absence, l'auteur retrace ces années à obéir aux ordres reçus en 1944. A croire fidèlement en son serment de défendre l'Empereur et la terre sacrée du Japon. Il y a une véritable spiritualisation du combat et de la survie, de la guerre contre les Américains - appelés l'ennemi par Onoda. Les nouvelles de défaite qu'il apprend au hasard de ses tribulations sur l'île de Lubang, il les met sur le compte de tentatives d'intox de la part de cet ennemi. Ça pourrait presque prêter à sourire, tant de foi dans l'impossibilité pour son pays de jamais se soumettre, s'il n'y avait eu tant de morts et de vies gâchées.

Voilà un ouvrage enfin traduit en français - merci aux éditions La Manufacture des Livres pour cette belle initiative. le parcours d'Onoda Hirô est si incroyable que dans un roman ou un film, ça paraîtrait excessif. Et pourtant, c'est bien sa réalité. Et celle de quelques autres Japonais retrouvés, comme lui, dans diverses zones où eurent lieu des combats. Mais Onoda est celui qui poursuivi la guerre le plus longtemps.

Ce récit donne à réfléchir sur l'intégrité et le dévouement d'un homme à son pays - exacerbés par l'embrigadement des populations qui accompagna son éducation. C'est ce qui lui permit de tenir tout ce temps, de ne pas sombrer à la mort de son compatriote avec lui sur l'île, ... Difficile de ne pas refermer cet ouvrage sans une certaine tristesse pour ces trois décennies de vie, perdues pour lui dans la jungle philippine, au nom du Japon.
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