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Critique de ODP31


Arto Paasilinna livre une version rabelaisienne de la Génèse.
L'apôtre de la truculence en après-ski partageait plus d'affinités avec le serpent qu'avec le divin et plus de goût pour les liqueurs que pour le jus de pomme. L'ancien bûcheron, ouvrier agricole, journaliste et poète, né dans une camionnette en 1942 a rejoint hélas le jardin d'Eden en 2018. Il a dû transformer ce terrain de golf sans mauvaises herbes en jardin partagé ou camping solidaire pour ses vieux potes aux tee-shirts plus auréolés que l'âme. Tout un aéropage d'anciens bons vivants réunis autour d'une bouteille d'un rhum distillé à partir des fruits qui n'ont pas été croqués.
Dans ce nouveau roman traduit du finaud finnois, pas de fine bouche. Sans atteindre la finesse d'Un homme heureux, ni la drôlerie du Meunier Hurlant, j'ai pris beaucoup de plaisir à retrouver l'univers loufoque de cet homme des bois scandinave aux chemises à carreaux. Ikéa devrait d'ailleurs donner son nom imprononçable à un mini-bar en bois de pin pour lui rendre hommage.
Aadam est un entrepreneur si entreprenant qu'il est le père de 7 enfants qu'il a eu de plusieurs femmes. Ses affaires en faillite et le montant de ses pensions alimentaires le mettent à nu... sans feuille de vigne. La pomme croquée reste coincée dans le gosier et les pépins s'enchainent. Mais Aadam est aussi un génial inventeur qui met au point une batterie automobile ultralégère qui va fossiliser les nababs du pétrole. Révolution planétaire, Aadam devient immensément riche et il consacre sa fortune à des causes justes, écologiques et humanitaires. Une nouvelle Génèse sans disgrâce, sauf pour l'or noir.
Aadam se fait aider par son avocate, Eeva, portée autant sur les affaires que sur la bouteille, qui devient son associée. Il se fait aussi conseiller par un huissier compatissant, oxymore, et pourchassé par un tueur à gages sicilien obstiné qui le rêve occis, mort.
Paasilinna, La Fontaine en polaire, ne met en scène aucun ours ou lièvre au coeur de son récit pour « métaphorer » son attachement à la nature sauvage mais les rois du pétrole sont décrits comme des hyènes prêtes à tout pour préserver leur industrie et leur fortune. La morale de son histoire, c'est qu'il n'y a pas trop de morale dans les affaires du monde mais quelques bons sentiments qui sauvent l'honneur de l'espèce. Publié pour en 1993, le propos n'a pas pris une ride sans tomber dans la collapsologie apocalyptique d'aujourd'hui car Paasilinna aimait trop la vie et ses excès pour adopter la nouvelle religion des ascètes ennuyeux qui prient dans les Biocoops. Il préférait le goût des croissants au beurre aux mauvais goûts des décroissants. Il prône malgré tout dans son récit le retour à la nature, si possible en faisant un détour par un bar, avec l'humour d'un Edward Abbey.
Comme toujours chez l'auteur ami des trappeurs, les personnages du roman sont cabossés mais gardent toujours un certain détachement face aux catastrophes. Ils laissent les dépressions aux nuages et préfèrent se laisser porter par des destins picaresques, vivre au jour le jour ou la nuit la nuit, cercle polaire oblige au pays du soleil à minuit, un verre à la main.

Une lecture au grand air sans se donner de grands airs.
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