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Critique de pasiondelalectura


Poussière dans le vent (Como polvo en el viento, 2020) est un roman fleuve de 627 pages qui m'a laissé KO après lecture. J'écris KO parce que il y a des choses beaucoup trop fortes dans cette fiction. Et quand le propre écrivain dit qu'il s'est inspiré de cas réels pour écrire ce roman…je mesure l'ampleur des souffrances et des complications dans la vie de cubains exilés ou non.

C'est encore un hymne à l'amitié de la part de Padura, cette amitié consolidée dans les années tendres, avec cette flexibilité des personnalités encore en devenir, mais qui est un ciment indéfectible pour les personnages fictionnels de Padura, et probablement pour lui même.

Plusieurs fois dans le livre est citée la phrase Poussière dans le vent parce que l'un des personnages principaux du livre, Bernardo, l'avait fait sienne. C'est un segment de phrase de la chanson Dust in the wind chantée en 1970 par le groupe Kansas. Bernardo la citait souvent, à tout propos voulant signifier à ses amis, leur manque de transcendance durant la traversée de cette vallée de larmes…

Le livre narre dans le détail la vie d'un groupe très soudé depuis le lycée, appelé par eux mêmes « le Clan » et organisé autour de la personnalité de Clara Martinez et son accueillante maison de Fontanar. C'est là que le groupe se réunit pour discuter et célébrer avec les très réduits moyens de bord.

Chaque personnage du groupe est psychologiquement disséqué et acquiert ainsi une profondeur humaine notable. Chacun est détenteur d'une histoire terrible, nul n'a eu la vie facile et leurs parents non plus. Ils vont souffrir de carences inimaginables dans l'alimentaire mais aussi de tous les produits de consommation courante, pendant des années, alors qu'en même temps on les anesthésie avec des discours dogmatiques. Dans un tel climat les gens survivent grâce au système D, au troc, aux trafics en tout genre, et la corruption s'installe à tous les niveaux.

Le creux de la vague pour Cuba ce fût vers 1990 quand le pays se trouva sans alliés politiques (la chute de l'URSS), sans nourriture, sans pétrole, sans transport, sans électricité, sans médicaments, sans papier, sans cigarettes ni rhum. Etc.

À tout cela il faut ajouter l'attitude d'un état totalitaire qui espionne les gens et facilite la délation. Cela donne un peuple apeuré, et des gens méfiants. C'est ce climat délétère qui va gangréner le Clan parce que les uns et les autres vont commencer à fuir Cuba, et ceux qui vont rester vivront dans la peur des accusations. Malgré tout ceci et malgré les soupçons forts qui pèsent sur certains, le groupe d'amis, de plus en plus clairsemé, reste toujours ancré autour de Clara.

La permanente comparaison entre les gens qui restent sur l'île de Cuba et ceux qui partent en exil, est très bien étudiée, riche en détails terriblement émouvants. Beaucoup d'entre eux auront le courage de revalider des diplômes ou de faire des études, mais même pour ceux qui réussiront (en Espagne, aux USA, à Porto Rico, en France), la nostalgie de l'île les corrode de l'intérieur et les rend dépressifs et malheureux. Très peu d'entre eux tournent la page en coupant avec Cuba (…tous les exils ont une part traumatique. Pour beaucoup de gens, quitter sa terre pour arriver sur une autre, c'est abandonner une vie et en trouver une différente, déjà commencée, qu'ils doivent apprendre à construire depuis le début et cela peut être la source de nombreux conflits mentaux).

Le Clan au complet a été composé par Clara et son mari Dario, neurochirurgien; ils auront deux enfants fort débrouillards et très attachés à leur mère. Au bout de 15 ans, le mariage de Clara et Dario est sur sa fin et Dario va s'exiler en Espagne. Il y a Irving, l'homosexuel du groupe qui amènera Joel, son compagnon de route; Irving est très attaché à Clara, ils échangent beaucoup et Irving est au courant d'absolument tout sur chacun, mais il est d'une discrétion à toute épreuve. Il y a le physicien Horacio qui va s'exiler d'abord à Miami puis à Porto Rico et qui est au centre d'un drame à l'intérieur du groupe. Il y a Walter, le maléfique, architecte, opportuniste et drogué, à l'origine d'un drame. Il y a Bernardo en couple avec Elisa Correa; Bernardo va glisser dans l'alcoolisme quand sa vie deviendra un chaos et sa compagne Elisa est un personnage que j'ai détesté dès son apparition. J'ai trouvé qu'elle était manipulatrice, menteuse née. En tout cas, elle a marqué tous les membres du groupe et ne leur a fait aucun bien, au contraire; je lui ai trouvé un relent de perversité narcissique.

Au sein du groupe, vont s'instaurer des secrets et le récit tardera toute la durée du livre pour en révéler une version. Je ne suis pas sûre du tout que la version du livre donnée par Elisa en soit la vraie et j'en imagine une autre. On sent trop la manipulation jusqu'au bout.

Un grand roman bouleversant et charnel parce qu'il transpire une réalité terrible avec des personnages intenses.

Malgré l'excellence de la teneur du récit, j'ai été gênée par les sauts temporels dans la narration car ils ont provoqué un peu de confusion dans ma lecture. On avance et on recule dans les histoires très fouillées des personnages et le lecteur doit faire un petit travail de patch work pour les recoller.

Merci Babelio pour cette bonne lecture dans le cadre de Masse Critique.
Lien : https://pasiondelalectura.wo..
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