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Critique de TerrainsVagues


Monsieur Page,

Comme d'habitude lors des opérations « Masse critique » je commence par consulter la liste des livres proposés mais cette fois, je me suis arrêté dès la lettre B sans aucune envie d'aller voir plus bas. « Belleville au coeur », c'était celui là et pas un autre. « Mon » 11e qui me manque toujours autant malgré l'océan qui berce aujourd'hui mon quotidien, ce Paris populaire loin des Elysées et de leurs chants, votre titre ne me laissait pas d'autre choix que de le demander.
J'ai quand même été voir de quoi il retournait et le sujet n'a fait que rendre votre livre encore plus nécessaire dans ma petite bibliothèque.
Premier uppercut, ce constat d'Eloi, lui qui vous a accompagné pendant l'écriture de votre livre, un soir de partage du froid d'un bout de trottoir, du confort d'un carton, d'une couverture, d'un duvet. Un soir comme tous les soirs où l'amnésie du monde semble faire de vous un passager clandestin de la vie. Un soir comme tous les soirs où quelques volutes de fumée aident à expulser une rage qui pourrait naître du trop plein de regards mêlant gêne, dégout, pitié, dédain et autres réjouissances du genre...
« Je me souviens de leurs regards. Souvent furtifs, tous différents. Jamais je ne me suis senti tant observé et, étrangement, aussi invisible ».

Vous ne condamnez pas, vous ne jugez pas le passant qui passe, celui qui tourne la tête. Vous savez que la plupart du temps ce n'est dû qu'à la peur. Celle d'être mis face à l'éventualité d'un futur qui peut venir frapper à la porte de n'importe qui. Vous le savez mieux que quiconque, vous qui avez servi de grands crus aux stars, et vous le rappelez très justement.
J'admire le ton que vous avez donné à votre livre, les chemins que vous lui avez fait prendre. Plutôt que la rage contre un système, plutôt que la haine contre la société vous avez fait ressortir du beau à travers des amitiés fortes, des moments de solidarité dans un « milieu » où contrairement à ce que je voulais croire elle n'existe pas toujours pour ne pas dire rarement. Malgré la peine du quotidien, vous êtes là, debout. Quelques béquilles venues d'herboristeries artisanales ou de distilleries vous ont peut être aidées à tenir, et alors ? Vous êtes, avec certains de vos amis, debout quand tant de bien pensants courbent l'échine et vont jusqu'à ramper pour un peu plus de superflu, pour un peu plus de pouvoir, pour un peu plus d'inutile quand tant n'ont même pas le minimum.
Un brin désabusé, on le serait à moins, mais pas haineux. Et pourtant, comment pouvons nous nous résigner à vivre dans une société qui accepte que des gens dorment dehors. Je vous ai entendu dire à Griveaux de bouger son cul lui et les politichiens de tous poils mais bon… là encore vous êtes bien placé pour savoir, en tant qu'ancien activiste du DAL du temps de la rue du Dragon, que le politicien est lent en actes dans certains domaines.
Des trois catégories de gens que vous citez, je me classe dans la masse des timides, malheureusement. Ascendant samaritain en cas d'urgence mais timide quand même. J'espère que des babélioteurs comprendront après avoir lu votre livre.
La gorge se serre parfois à la lecture même si vous ne faites rien pour ça. Vous ne nous servez pas une longue plainte, juste un quotidien avec ses petits bonheurs et ses angoisses.
Parmi ces petits bonheurs, vous m'avez appris l'existence des « cafés suspendus ». Je vais aller fouiller sur le net voir si ici à Lorient, certains bars ont le petit sticker. Et puis ces gens qui aident pour une nuit, pour une soupe, ce sont des sourires. Sourire que j'ai eu aussi au cours des pages qui parlent des missions. J'avoue que j'aime bien l'anti clérical ( à ne pas confondre avec ceux qui croient à quelque chose et contre qui je n'ai rien) mais je sais reconnaitre quand l'acte se joint à la parole, même si vous êtes obligés d'écouter le prêche du bon samaritain de service.
Ces trois ans de vie que vous m'avez fait partager je ne les souhaite à personne contrairement aux quelques heures de lecture que vous m'avez offerte.
J'en profite pour remercier aussi Babélio et votre éditeur Slatkine & Cie.
Merci monsieur Page et espérons qu'un jour la planète sera une belle ville au coeur sans limite.
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