AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de berni_29


Je pense que je me souviendrai à jamais de l'incipit de ce merveilleux roman de Marcel Pagnol, second tome de la trilogie de ses « Souvenirs d'enfance ».
Le Château de ma mère porte une émotion peut-être plus forte que le premier tome, La Gloire de mon père. Je pense que je saurai toujours le dire par coeur. Je ne sais pas pourquoi, moi qui n'aime ni la chasse, ni les chasseurs...
« Après l'épopée cynégétique des bartavelles, je fus d'emblée admis au rang des chasseurs, mais en qualité de rabatteur, et de chien rapporteur. »
Je me souviens de cette phrase comme « Un sésame, ouvre-toi ! », la sentence magique qui fait ouvrir les pages d'un livre, le bonheur autant de partir dans les collines l'air fier et conquérant que celui de revenir bredouille, la tête pleine de vent et d'azur. J'aime quand les chasseurs reviennent bredouilles avec du ciel et le mouvement des arbres dans les yeux... En fait, ils reviennent souvent bourrés, ce qui n'empêche...
Ce livre est un chant, une musique, une mélodie, la cymbalisation des cigales, le vent dans les oliviers, la plainte d'un chagrin aussi lorsqu'un être cher vient à disparaître.
C'est une émotion à fleur de peau
Enfant, je craignais l'école, le simple fait d'y aller le matin me faisait vomir mon petit déjeuner. Je ne sais pas de quoi j'avais le plus peur : des instituteurs ou des autres élèves. L'institutrice était sévère, taper avec une baguette de bambou sur les doigts tendus et fermés d'une main frêle, c'était une pratique courante à cette époque (1970, ce n'est pas non plus le moyen-âge...). Dehors, dans la cour de récréation, la sanction était presque pire, comme une vengeance les mauvais élèves battus crachaient, en s'étant empli la bouche de l'eau du lavabo du préau, sur ceux qui avaient des bonnes notes... Ma mère eut cette astuce de me faire boire une mixture de sa composition, un médicament miracle disait-elle pour soigner cela, en fait c'était un grand verre d'eau dans lequel elle avait mis un peu de sucre. Je buvais le remède magique et je me sentais brusquement empli de courage, ma peur disparaissait... Mais certains jours j'aurais voulu boire plutôt la potion magique d'Astérix et me sentir invincible... Aujourd'hui le Château de ma mère pourrait être le plus beau des antidotes face à la peur d'aller à l'école.
Le château de ma mère, c'est le soleil de la Provence avec une émotion en plus. La tendresse familiale s'estompe comme un brouillard sur le paysage, elle laisse le pas à un autre paysage, un autre voyage paré à quitter l'enfance.
Le château de ma mère, c'est l'amitié de Lili. Lili des Bellons. Ah ! Comme je me suis attaché à ce beau personnage, si libre de tout, qui n'avait pas de peur, ni de l'école, ni de la vie... Je l'admirais... le château de ma mère, c'est la lumière de la Provence qui descend sur cette amitié, c'est la vie comme un fil ténu et invisible qui relie les personnages les uns aux autres et peut-être nous autres vivants avec ceux qui ne sont plus là.
Le Château de ma mère, c'est aussi l'évocation du malheur quand, enfant, on possède encore la puissance d'y croire sans y penser, d'agir, la force de retenir d'un geste encore ferme et peut-être inconscient les idées noires, la guerre, la mort, ceux qui partent, avant que tout cela ne déferle et ne se déverse comme un flot impossible sur le paysage de l'enfance.
Retenir le malheur jusqu'à ce que ce geste ne soit plus possible...
Commenter  J’apprécie          7113



Ont apprécié cette critique (66)voir plus




{* *}