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Critique de Munin


Munin
06 septembre 2011
A l'estomac (Haunted) a pas mal fait parler de lui, notamment en raison des lectures publiques d'un des passages du livre, Tripes (Guts), qui provoquait à chaque fois des évanouissements dans l'assistance : Chuck semblait avoir atteint de nouveaux sommets en matière de macabre et de choquant. Certains critiques ne se sont pas privés d'écrire que les romans de Palahniuk suivait une sorte d'escalade, et que l'auteur n'était ingénieux que dans les moyens de choquer son lectorat.


17 écrivaillons en puissance, sous l'influence d'un vieux mentor rencontré à la suite d'une annonce anonyme, s'isolent pour trois mois. Cette retraite d'écrivains doit leur apporter l'isolement nécessaire à la production d'un chef d'oeuvre. Mais les 17 protagonistes, désignés par des pseudonymes en lien avec leur histoire (Compte de la Calomnie, Saint Descente-de-Boyaux, Soeur Autodéfense, etc.), se persuadent bien vite qu'ils sont tombés dans un piège et commencent à s'infliger d'horribles supplices en prévision de la célébrité qui les attend, quand ils seront miraculeusement sauvés. Cette histoire est entrecoupée des 23 nouvelles, où les personnages et les deux organisateurs racontent leur vie. Ces nouvelles sont introduites par des poèmes faits de vers libres autour du personnage.


Si la structure est curieuse, le contenu l'est encore plus. La trame générale atteint très vite des sommets d'horreur absurde. Comme chez Bret Easton Ellis, les personnages sont des icônes désincarnées dont les sentiments et les motivations sont soigneusement mises de côté – en attendant la nouvelle qui les mettra en scène. Chacun, à tour de rôle, un peu comme dans un groupe de parole, s'avance et raconte un épisode significatif de sa vie. Chaque nouvelle est une sorte de feu d'artifice horrifique permettant à Palahniuk d'explorer et de critiquer un aspect de la société américaine. Celle-ci est comme un cadavre maquillé et parfumé, dont l'auteur nous montre la réalité : les fluides qui suintent, les tissus qui pourrissent, les vers qui grouillent. le corps est profané de toutes les façons possibles et imaginables : sexe sordide, mutilation, corruption, torture, cannibalisme : rien n'est épargné, et la crudité des détails, associés à leur précision maniaque (Palahniuk ferait un grand contributeur à Wikipedia), rend les scènes quasiment insoutenables.


Au-delà du macabre et de l'alternance des effets comiques / horrifiques, les nouvelles du livre brillent par leur inventivité et leur pertinence. L'art de la formule, associé aux dons d'observateur de l'auteur, font de ces nouvelles des petits chefs-d'oeuvre d'invention et d'originalité. Une nouvelle de Palahniuk, c'est un peu une superbe bavette baignant dans une sauce de merde, de vomi et de sang : si on supporte l'assaisonnement, on se régale. En fait, on est pas loin du conte dans ces pages, un conte moral où les personnages essaient de rester sexy en se mutilant, dans l'espoir que leur rôle sera tenu par une vedette cotée de Hollywood. le prétexte originel – la retraite d'écrivains est vite oublié, tant il est évident qu'aucun de ces personnages n'a le plus petit rapport avec l'écriture. Je suis moins enthousiaste sur les chapitres liant ensemble les nouvelles : certes, il s'agit d'une critique de la célébrité, de la société du spectacle, des reality shows, d'Hollywood, des écrivains qui vendent les droits de leurs livres avant de les avoir écrits, et de tout ce qui a un rapport avec la prostitution artistique et la souffrance, mais le trait est un peu fort et parfois, le chapitre se lit un peu comme un passe-plat entre deux nouvelles.
Lien : http://hu-mu.blogspot.com/20..
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