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Critique de oran


En avant-propos, je souhaiterais rappeler certains commentaires de Camus .
« Les représailles contre les populations civiles et les pratiques de tortures sont des crimes dont nous sommes tous solidaires (…) Ceux qui ne veulent entendre parler de morale devraient comprendre en tout cas que, même pour gagner les guerres, il vaut mieux souffrir certaines injustices que les commettre (…) Lorsque ces pratiques s'appliquent, par exemple, à ceux qui, en Algérie, n'hésitent pas à massacrer l'innocent ni, en d'autres lieux, à torturer ou excuser que l'on torture, ne sont-elles pas aussi des fautes incalculables puisqu'elles risquent de justifier les crimes mêmes que l'on veut combattre (…)
(…) Nous devons condamner avec la même force, et sans précautions de langage, le terrorisme appliqué par le F.L.N. aux civils français comme, d'ailleurs, et dans une proportion plus grande, aux civils arabes. Ce terrorisme est un crime, qu'on ne peut ni excuser ni laisser se développer. » (Mars- avril 1958)
« Oui, l'essentiel est de maintenir, si restreinte soit-elle, la place du dialogue encore possible (…) Les massacres inexcusables des civils français entraînent d'autres destructions aussi stupides, opérées sur la personne et les biens du peuple arabe. On dirait que des fous, enflammés de fureur conscients du mariage forcé dont ils ne peuvent se délivrer, ont décidé d'en faire une étreinte mortelle. Forcés de vivre ensemble, et incapables de s'unir, ils décident au moins de mourir ensemble. Et chacun, par ses excès renforçant les raisons et les excès de l'autre, la tempête de mort qui s'est abattue sur notre pays ne peut que croître jusqu'à la destruction générale (…) (Lettre à un militant algérien – Aziz Kessous- 01/10/1955)
« Chaque mort sépare un peu plus les deux populations ; demain, elles ne s'affronteront plus de part et d'autre d'un fossé, mais au-dessus d'une fosse commune (…) (Trève pour les civils 10/01/1956)

Hélas ces paroles ne furent pas entendues …
Ce tout petit livre de Jean-Noël Pancrazi est un long témoignage douloureux, qui dit l'abominable, l'insoutenable, ce qui ne peut s'oublier.
Une sorte de palimpseste où s'écrit l'histoire individuelle d'une personne, l'Histoire collective de milliers de personnes qui subirent les multiples épreuves causées par cette guerre d'Algérie, enfants, adultes, civils, militaires, quelque soit la communauté à laquelle ils appartenaient.
Un récit poignant, sobre, publié en 2012, un témoignage d'enfant, une épreuve qui marqua à jamais l'homme , qui vient, comme un écho, me percuter car il me renvoie à ce que j'écrivais dans un petit recueil de souvenirs publié et distribué auprès d'un cercle restreint d'intimes, réminiscence d'un incident qui fut, certes moins tragique que cet enlèvement de jeunes enfants qu'on retrouva égorgés dans le massif des Aurès près de Batna. Je vous en livre quelques extraits.

Avec M.D., nous étions parties nous promener dans la colline voisine qui surplombait la mer. C'était un jour magnifique « un jour couleur d'orange, de palme et de feuillage au front »
Nous avions envie de gambader, nous évader pour cueillir les fleurs annonçant le printemps qui s'avançait à grands pas. Parmi les agaves encore tendres et les pistachiers térébinthes d'où s'envolait une odeur résineuse si caractéristique, croissaient mille fleurs (…) Nous étions euphoriques, notre butin parfumé devenait de plus en plus étoffé, mais nous n'avions aucune envie de quitter cet endroit merveilleux (…) Ce jour, la campagne oranaise était bien plus attirante, ce n'était pas une vision idéalisée du paradis céleste, c'était le paradis terrien (…)
Plus de deux heures s'étaient probablement passées quand nous décidâmes de rentrer tranquillement et, arrivées au-bas de la colline, nous reçûmes un accueil mémorable !
Nos parents se précipitèrent vers nous, en criant, hurlant. Ils étaient accompagnés de plusieurs jeunes soldats armés. Une patrouille était, entre temps, partie à notre recherche (…)
Un commando lourdement armé de fellaghas avait été repéré… traversant la colline, il avait peut-être prévu de bivouaquer dans les environs(…)
M.D. et moi n'avions pas eu conscience immédiatement des conséquences terribles , triste euphémisme, si cette rencontre s'était effectivement concrétisée.
Qu'aurions-nous dû endurer comme sévices avant de terminer, probablement la gorge tranchée ou éventrées ?
Nous n'étions pas tout fait des femmes, plus tout à fait des petites filles… Il est facile d'imaginer(…)
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