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Critique de Betmalle


Quand l'écrivain Kaëlig Cedic crée, il plonge corps et âme dans le monde de la fiction. Bastien Pantalé a choisi de commencé son récit à l'instant où Kaëlig se reconnecte à son environnement quotidien, et décrit ses impressions, transformant le lecteur en véritable compagnon d'expérience.
Ainsi, sous la forme d'une autobiographie à la fois très sensorielle et introspective, Bastien Pantalé nous fait vivre le parcours de son héros, écrivain sénior productif et passionné, arrivé au sommet de son art.
Kaëlig évolue, grandit et mûrit dans le contexte d'une société dont l'ordre économique a basculé vers une heureuse harmonie entre intérêts culturels et financiers, où l'Art prédomine et où les artistes sont reconnus comme acteurs essentiels, pleinement soutenus par les investisseurs.
Alors qu'il jouit d'une notoriété déjà bien établie, Kaëlig a intégré une résidence d'artistes, la Maison Lautrec, l'une des plus illustres des nombreuses résidences qui accueillent les créateurs distingués dans divers domaines. Choix décisif pour l'épanouissement de son art car il a pu durant 18 ans se consacrer totalement à la création, au milieu d'une communauté où les notions de complémentarité, d'équilibre, de synergie entre les différentes disciplines, règnent au coeur de la vie quotidienne des résidents.
Chaque année, ces artistes collaborent à une oeuvre phare présentée au public dans le cadre de joutes entre Maisons.
Lorsque Cedic Kaëlig décide de prendre la plume pour écrire sa bio, le choix de l'oeuvre phare s'est porté sur l'une de ses nouvelles. On assiste donc à la préparation de la représentation de cet ouvrage, puis à sa lecture, par l'auteur lui-même, enrichie d'une scénographie holographique et d'interventions musicales, chorégraphiques et olfactives des artistes qui y sont associés.
Le choix de l'autobiographie – d'un écrivain de surcroît, prenant du recul sur sa production et ses sources –, engendre des séquences de type analytique, où l'exposé des mécanismes de création et des intentions risquaient de compromettre la vivacité du texte. Mais la langue de Bastien réussit des miracles d'équilibre ; elle est fertile, sollicite tous les sens, percute par ses thématiques comme par sa musicalité et son rythme, et crée une dynamique irrésistible.
Il fallait cette qualité d'écriture pour que le lecteur ne perde pas pied en traversant l'abondante matière que nous propose l'auteur.
Bastien Pantalé parvient ici a illustrer brillamment le pouvoir de l'imagination. Il déplie son roman à partir de l'idée que l'écrivain, emporté par sa propre créativité, entre dans une fiction si prégnante que l'histoire s'inscrit physiquement dans son expérience sensible et revêt dans sa mémoire le statut d'une connaissance, tout comme le produit d'une succession d'événements vécus dans la vie réelle. À ce phénomène singulier s'ajoute le fait que les lecteurs entrent à leur tour dans cette fiction sur le même mode de dérive, glissant peu à peu dans une immersion intense au point de courir le risque d'échouer à s'en extraire.
Le même risque est d'ailleurs encouru par l'écrivain lui-même, la différence étant que le voyage des lecteurs s'opère sous la responsabilité de l'auteur, qui doit donc prévenir tous dangers et émailler son texte d'un réseau de jalons, propres à guider sa conscience et celle de son lecteur vers un retour sécurisé sur le plancher des vaches.
Les pages où Kaëlig décrit l'élaboration de ces mécanismes de rappel, de leur mise en place progressive et du peaufinage de leur nature, de leur aspect, de leur image, afin de les fondre dans la fiction tout en assurant leur perception, offrent des moments de lecture absolument passionnants.
De bout en bout l'aventure humaine de Cedic Kaëlig est communicative, et sa vision de l'avenir, résolument optimiste, baigne nos neurones dans une douce utopie.
L'ensemble, d'une grande inventivité, est servi par une écriture généreuse et structurée capable de faire fleurir des émotions profondes et de longues méditations.

Parmi elles, la question de l'ambiguité de la réalité n'est pas la moindre des interrogations métaphysiques que soulève cette autobiographie – qui décidément ne manque pas d'ambition.
« Je ne sais qui je suis réellement, si ma vie ne fut qu'un fantasque pastiche destiné à assouvir la folie créatrice d'un autre, ou bien le fruit fécond du plaisir que j'ai pris à évoluer ici. Je ne sais quel degré de réalité je peux m'octroyer, mais je m'arroge sans complexe le titre de dépositaire de toutes les mémoires qui s'étalent ici, devant moi. C'est avec fierté que je me les remémore, mes avatars littéraires. Nous ne sommes qu'un, réunis ici ou ailleurs, c'est égal. »
Qui parle ici ? Kaëlig Cedic ou Bastien Pantalé ?
L'auteur joue avec son double. Car si le créateur et le héros vivent dans une alliance que l'écrivain initie et développe en pleine conscience, le héros, lui, ne peut en avoir qu'une intuition assez vague, troublante, d'où ces accents métaphysiques qui nous renvoient à notre propre condition :
« Existe-t-il un autre démiurge derrière tout cela, ou ai-je moi-même inventé une réalité confortable, féconde, puis décidé de m'y installer ? Quelque part, cette seconde option me rassure, même si j'ai l'intuition que la vérité est une alliance plus complexe. »
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