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Critique de Sachako


Je découvre Olivier Paquet avec « Jardin d'hiver » ; ne vous attendez donc pas à un retour sur l'ensemble de son oeuvre. D'autant plus que cet auteur français spécialisé en science-fiction est extrêmement prolixe : sorti en 2016 aux éditions l'Atalante, « Jardin d'hiver » fut suivi l'année suivante par « Faux-semblance » et 2018 vit récemment la parution du sombre « Les Loups de Prague ». Je ne vous conseillerai ni de les lire ni de les éviter, en me contentant de partager mon regard critique, en vous faisant plonger dans l'univers pseudo-onirique, technophile et violent de « Jardin d'hiver ».

« Catherine se moque : « Ouf, pendant un instant, j'ai cru que nous étions sauvés. Vous, les ingénieurs, vous vous émerveillez pour pas grand-chose. » p. 374

Monsieur Olivier Paquet est-il lui-même un ingénieur ? As-t-il suivi des études en sciences de l'informatique ? Nourrie t-il en son sein une passion cachée pour les biotechnologies ? Que nenni car – malgré son admiration affichée pour la classe ingénieuriale (peut-être son passage par Grenoble a-t-elle eu une certaine influence) – Paquet modelé par les sciences-politiques, reste profondément attaché à la description des luttes de pouvoirs entre factions antagonistes. Les relations entre individus, frères et soeurs, enfants-parents, membres d'une même communauté sont empruntes de difficultés/incompréhensions, de lourdeurs et d'impossibilités. le contexte général voit notre bonne vieille terre souffrant de par l'affrontement terrible opposant le camp des ingénieurs-informaticiens et celui des forces d'écolos-guerrilleros. Jusqu'ici rien de très nouveau sous le soleil de la science-fiction ; mis à part le fait il est vrai, que l'aventure se déroule dans une Europe futuriste à feux et à sangs.

Pourtant, une certaine originalité se dégage d'une histoire globalement plate. La.e lect.eur.rice verra nos différentes héroïnes et héros parcourir (trop) rapidement et en navire volant, des pays d'Europe (du Nord essentiellement). Une sorte de « space-opéra » à l'échelle terrestre, où les végétaux deviennent machines, tandis que les machines ressemblent à des animaux. Ajoutez à ceci un zeste de critique du mouvement transhumaniste – par le biais de la destruction complète de pauvres humains n'ayant rien demandés, martyrisés dans leur transformation en machines-humaines – et vous aurez une vue d'ensemble d'une intrigue simple remplie néanmoins de rebondissements.

« Le père de Mathieu rit : « Bien sûr que non. le lacis neuronal ouvre la voie d'une informatique nouvelle, un mélange de chimie et d'électronique. Il faudra corriger, améliorer, mettre à jour, adapter aux évolutions. Fini les militaires, place aux informaticiens.

- le monde n'est pas prêt », se lamenta Catherine. » p.393


« Place aux informaticiens ». Place au mélange des genres du vivant et du non-vivant, à la prolifération des technologies modernes et de la disparition des anciennes techniques. Il n'y a pas la place, semble t-il, dans le monde d'Olivier Paquet pour les ruraux, les agriculteurs et éleveurs, les artisans et les résistants aux nouvelles nano-bio-info-technologies : ces populations n'existant tout simplement pas dans sa mise en récit. Il faut bien « adapter aux évolutions » notre espèce humaine ayant si pleinement pris la voie – décrite comme l'unique chemin – des transformations corporelles entre humains/machines/végétaux/animaux. Si l'idée, de par la réflexion qu'elle propose sur les continuités et discontinuités entre différentes formes de vie, paraît attirante aux premiers abords, il n'en reste pas moins que c'est l'I.A, les bidouilleurs de l'informatique, les ingénieurs du vivant se trouvant aussi bien du côté du Consortium ou de la Coop, qui restent les grands gagnants de l'écriture plaisante mais pas assez fouillée d'Olivier Paquet.

- « Pour lui éviter de contraindre sa pensée à des catégories syntaxiques ? »
- « Ne parle pas comme un ingénieur, je t'en prie. » p.362

Ce livre est avant tout dédié aux personnes déjà sensibilisées à la littérature de science-fiction. J'ai été suffisamment pris par le déroulement de l'action, pour finir l'ouvrage. Cependant, j'aurai personnellement préféré que l'auteur affiche un peu moins son admiration latente pour l'univers des ingénieurs. J'aurai apprécié un peu plus de lyrisme, de beauté dans le phrasé, de magie dans l'imprévisible, d'invisible et de mystérieux. Car si l'écrivain s'inspire des traditions orales, spirituelles et légendaires de nos sociétés, il les a malheureusement lui-même retranscrite en des formes très matérielles. Entre autre exemple, les dragons ces entités si puissantes, polymorphes et extrêmement présentes dans nos cultures européennes, sont transformées ici en simples machines-outils, tout juste bonnes à répondre aux exigences de leurs propriétaires-guides.

C'est un univers riche, intense en affrontements, participant d'un questionnement très actuelle sur nos rapports aux technologies et à nous-mêmes en tant qu'espèce, mais néanmoins un univers très plat dont Olivier Paquet nous propose l'exploration.

On pourrait néanmoins espérer qu'un jour,...

« Un rythme naît dans les ténèbres, une ronde de nuit, un chant polyphonique. » p.385
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