Je ne savais pas que tout ce que je voulais, tout ce dont j'avais besoin, c'était l'amour de mon père. Je ne savais pas pourquoi je ne le savais pas, pourquoi personne ne me le disait. D'abord, que je pouvais l'avoir, et ensuite, que ma mère n'allait pas me le donner. Il m'avait fallu tellement de temps pour comprendre cela. Des années à souffrir, coincée dans mon éprouvette embrumée.
Puis, lentement, avec le temps, mes sentiments envers ma mère s'adoucirent et elle devint ce qu'elle avait toujours été pour moi – ma mère. Je me rendis compte que je voulais quelque chose que je ne pouvais avoir. Une mère ne peut pas donner l'amour d'un père, ni l'inverse. Ce sont des choses différentes, et je devais accepter que parfois l'un manque, ou qu'on ne l'a que pour dix ans ou dix jours et qu'il faut le faire durer toute la vie. Mais on ne peut obtenir cet amour de quelqu'un d'autre. Et on se gâche la vie si on essaye.
J'étais tellement en colère qu'il soit mort, et ma seule façon d'y faire face, c'était de décider qu'il était vraiment parti. Mais, certains jours, je retournais au point le plus sombre que j'avais connu après sa mort. Je ne savais pas alors, comment l'aurais-je su, je n'avais que dix ans, qu'on a ses parents pour la vie, même si on ne les a jamais rencontrés, qu'ils soient morts ou vivants, ils sont là pour de bon, en soi. C'est une malédiction de rencontrer la mort si jeune, mais c'est la crainte qu'elle inspire qui empêche de vivre vraiment.
La pendule s'était arrêtée, sans ralentir. Elle s'était arrêtée, c'est tout.
Et le ciel qui avait paru s'ouvrir pour emporter mon père se referma finalement là où il s'était déchiré. La cicatrice irrégulière s'effaça et le ciel devint cette immensité bleue au-dessus de moi représentant les possibilités d'une vie qui pouvait devenir ce que je voulais qu'elle soit.
S'il mourait, [...] ce ne serait pas son problème, ce serait celui de maman.
Les gens lui demandaient parfois comment il allait et il riaient. Sa gaieté était contagieuse. "Pas encore mort", répondait-il. C'était sa blague préférée.
Quand j'étais à la maternelle, je croyais que les enseignants vivaient à l'école, mais maintenant j'avais compris qu'ils avaient leurs propres maisons, il ne passaient pas la nuit à l'école.