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Critique de frandj


L'auteur est Pier Paolo Pasolini (1922-1975), le très célèbre réalisateur de cinéma, également écrivain et poète. le grand public le connait aussi pour son homosexualité, surtout depuis son assassinat dans des conditions scabreuses.

Ce récit très largement autobiographique, se rapporte à sa jeunesse, dans les années 1944-1945. Sa mère et lui vivaient alors dans un endroit champêtre au Nord de l'Italie. La région où ils croyaient avoir trouvé refuge était, en fait, encore sous le contrôle de l'armée allemande et des milices fascistes, aux abois et donc dangereux. Dans le même temps, l'aviation alliée effectuait des bombardements qui rendaient la vie encore plus difficile. On pouvait être tué tous les jours. C'est dans ce contexte d'apocalypse que Pier Paolo vit, en donnant des cours à de jeunes gens dans son village, tout se cachant (car il est réfractaire).

Le récit n'est pas toujours très facile à suivre, mais il est généralement captivant. Son sujet essentiel est la découverte de son homosexualité par Pier Paolo, et ses premières amours. D'ailleurs, le titre suggère bien le sujet, mais il a été choisi sottement car l'auteur écrit sans détours: «Je n'ai pas le sens véritable du remords, de la faute, de la rédemption; j'ai simplement un sens unique du destin, mais dans sa précarité et sa confusion ». Pasolini décrit, jour après jour, les affres de son attirance obsessionnelle pour les jeunes gens qui se trouvent être des fils de paysans naïfs ou frustes. Face à chacun, il fait tout son possible pour capter son attention amoureuse et il a le plaisir de constater que « il comprenait qu'il était uni à moi par quelque chose de particulier, une attention, une curiosité, presque une complicité que les autres ne remarquaient même pas ». Mais, quand il se retrouve au sommet de sa quête d'amour, il évoque son « état d'âme d'homme devenu presque fou ». En fait, il éprouve un violent désir qui l'emporte sur son attachement sentimental. Quand il rencontre une résistance durable de la part d'un jeune adolescent, son désir se trouve exacerbé: « Plus qu'une douleur, j'éprouvais une rébellion abasourdie contre la nature ou contre le destin ». A force de presser Bruno, ou Gianni, ou Nisiuti, ou encore d'autres garçons, Pier Paolo parvient (difficilement) à ses fins, jouissant sexuellement et nageant dans son bonheur de la soumission admirative de sa conquête. Que le lecteur éventuellement avide des passages pornographiques s'y résigne, la plume de l'auteur reste allusive: quand Nisiuti met un terme à ses refus réitérés, par exemple, l'auteur note sobrement: « il se rendit tout de suite ». Cependant, l'accomplissement ne lui apporte pas l'apaisement, et sa nature passionnée, tourmentée, reprend aussitôt le dessus; mais ce n'est jamais le remords qui le trouble.
Pour corser sa situation sentimentale, le narrateur se trouve aussi confronté à Dina, une jeune fille très amoureuse de lui, pour laquelle il n'éprouve évidemment aucun désir mais qu'il voudrait éviter de blesser.

Ce récit est un témoignage réaliste, particulièrement sincère, sans complaisance ni contrition. Je suppose qu'on trouve rarement ces qualités dans la littérature, sur un tel sujet - pour le moins délicat. Le lecteur pénètre dans la subjectivité de Pier Paolo, qui nous parait ni sympathique ni antipathique, mais simplement vrai; il doit admettre que tout questionnement moral est ici mis entre parenthèses. A cause de la guerre, les expériences de ce "héros" tourmenté s'insèrent dans une ambiance de fin du monde - un monde pourtant en plein devenir, car le narrateur est lui-même jeune et désireux de vivre, même si c'est dangereusement. Enfin, j'ajouterai que le décor somptueux de la campagne frioulane, indifférent à la violence des hommes, contribue à faire de ce récit un étonnant hymne à la vie.
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