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Critique de LicoriceWhip


Quel est le pire poison dans l'amour? Sans doute le malentendu. Rester avec quelqu'un par dépit, s'entêter à aimer l'autre, donner à son couple l'apparence d'une union parfaite alors qu'on est pétri de langueurs et de regrets. On en a tous croisé, des personnes qui restent ensemble par lassitude, par habitude, parce qu'ils sont rongés par l'angoisse de-ne-pas-trouver-mieux. Mais quand ce malentendu existe dès les prémices, dès la rencontre et qu'on s'acharne à le contourner, construisant patiemment un édifice qui a toutes les apparences de l'amour sans l'être, que se passe-t'il lorsque le château de cartes s'écroule? C'est ce que raconte Poison de Xavier Patier.

Eric Prat vit depuis toujours dans le sud-ouest (Cahors), couvé par une famille arc-boutée sur ses principes, hésitant entre la bourgeoisie de province et la tradition du terroir. Eric a tout raté dans sa vie. Son adolescence qui n'a connu ni flirts passionnés, ni évènements marquants, les études de philosophie qu'il a suivi sans plaisir, et surtout son mariage. En effet, depuis cinq ans, Eric est marié à Corinne, dont il n'a jamais été amoureux et dont il jalouse le passé de parisienne normalienne brillante, l'aisance naturelle et même le corps sain et ferme lui qui se laisse engraisser et mollit. Corinne sent bien que cet homme qu'elle aime envers et contre tout lui échappe, mais elle tient bon. Mais voilà, à force d'avoir un coeur de guimauve sous une carapace de gras, Eric qui est devenu professeur de philosophie tombe amoureux de l'une de ses élèves. Egoïste et inconséquent, il le raconte à sa femme. Brave petit soldat, elle va jusqu'à le consoler. Mais bien sûr, triste et amère de sentir qu'une autre éveille ce qu'elle n'a jamais pu susciter chez son mari, elle le suit un soir à la sortie de son travail à la mairie de Cahors. Ce qu'elle voit la dépasse tellement, elle en conçoit un tel dégoût qu'elle décide de mettre son mariage en lambeaux. Juste au moment où son époux commence peut-être à l'aimer…

Le premier talent de Xavier Patier, c'est la description minutieuse de cette province où la vie semble s'écouler sans bruit, où s'énerver serait une faute de goût. Où l'on devine que les grandes colères couvent sous les apparences même quand elles n'éclatent jamais pour de bon. Dans ce décor aux couleurs chaudes comme le soleil écrasant de juin qui ouvre le roman, les personnages évoluent comme accablés par ce qui leur arrive, pleins d'une mélancolie écrasante qui rattrape même quand on fait semblant de rien. Xavier Patier déploie son Poison sur deux récits distincts, celui d'Eric raconté à la première personne qui s'intercale avec un récit à la troisième personne où Corinne a la part belle. Procédé qui parait souvent didactique, mais qui ici fonctionne : le lecteur se rend compte avec effarement de l'abime qui sépare ce couple, alors qu'il suffirait de peu pour qu'ils soient enfin en phase, heureux, amoureux, ensemble. A cause de la lâcheté d'Eric qui n'ose pas avouer à la femme qu'il épouse qu'il ne l'aime pas, toute leur histoire devient un chef-d'oeuvre tragique de non-dits et de “faisons comme si”. L'intrusion de l'autre femme, la lycéenne n'est rien d'autre que le détonateur de la bombe à retardement du poison. Mais le poison c'est aussi la belle-famille que Corinne déteste, une sorte de clan courtois tout en étant hostile qui n'a jamais accepté cette parisienne et qui chaque dimanche le lui fait sournoisement payer lors du déjeuner familial auquel “il est inenvisageable de ne pas assister“. Tout poison a son antidote et Eric et Corinne vont le trouver dans un dénouement inattendu et incroyablement émouvant. Poison est un roman attachant où l'on découvre que même les histoires d'amour qui ont duré dans la douleur peuvent aussi se finir bien.
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