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Critique de montmartin


Les prix littéraires ont l'avantage de mettre en lumière des livres, à côté desquels on serait peut-être passé. C'est le cas du magnifique premier roman d'Anne Pauly « Avant que j'oublie » qui a reçu le prix Livre Inter 2020.

Anne la narratrice se retrouve avec son frère Jean-François, leur père vient de mourir d'un arrêt cardiaque. le colosse unijambiste a été foudroyé. Mais avec ce frère taciturne et cassant, elle ne pourra pas partager son chagrin ni les souvenirs. Faut dire que leur enfance a été faite de cris, de drames, un père ivre mort qui court après sa mère un couteau à la main en éructant, des excès d'alcool, de colère et de jalousie.

Avec une écriture simple et pleine de gouaille, elle va nous raconter la vie quotidienne et ordinaire, des moments dérisoires, mais qui aujourd'hui sont essentiels. Elle revient sur les mois qui ont précédé la mort et le difficile deuil qui suit.

Car derrière la violence et l'alcool se cachait un contemplatif, gentil, mais brutal, généreux, mais autocentré, dévoré par l'anxiété et la timidité. Un ogre timide, vulnérable et attachant, un juste, un sensible, un silencieux dans la bulle duquel être admis valait toutes les protections
Anne nous raconte la préparation des obsèques une occasion de réflexions savoureuses sur la religion, depuis toujours elle prend des libertés avec l'église et le camarade Jésus :

« j'avais coché dans le “Pour préparer la célébration” les textes qui me semblaient possibles, des choses qui s'éloignaient un peu des mystères compliqués de la foi et des fables invraisemblables dans lesquelles on multiplie les pains, on touche des lépreux sans rien attraper et où les morts se lèvent et marchent quand on leur ordonne. »

Les rituels de la messe, le cimetière. Et puis trier ses affaires et les souvenirs qui remontent. Garder ou jeter, se séparer de choses qui avaient représenté pour lui des mois d'économies.

« Bien sûr, c'était une autre époque : on recommandait à la population de consommer de la bière les jours de canicule, les gendarmes traquaient les nudistes à Saint-Tropez. Yves Montand roulait à tombeau ouvert, sans ceinture et de nuit pour rejoindre Romy Schneider après s'être enfilé deux trois apéros, et une bonne baffe calmait efficacement les épouses récalcitrantes. »

Et puis, une fois que la cérémonie est terminée, il y a l'absence, un vide immense. Sa vie ressemble à un dimanche d'hiver, tout est laid, gris, ralenti, obscurci, ankylosé, malgré la présence de sa fiancée joyeuse et du cercle de ses amis sincères.

Un récit plein de pudeur et de sensibilité, c'est un véritable cri d'amour que lance Anne Pauly, elle aimerait tellement partager encore un instant avec lui, elle voudrait juste parler à son père.



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