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Critique de Lucie_Ash


J'ai pu participer à Masse Critique littératures fin septembre et ai reçu un roman dont le sujet me parlait beaucoup, Pourquoi tu revenais tous les étés ? de Belén López Peiró. Je remercie chaleureusement l'autrice, les éditions Globe et Babelio pour l'envoi de ce service presse.

Vaste programme que cette 4ème de couverture. Il s'agit d'un petit roman – à peine 200 pages – sans réelle mention de chapitre, avec assez peu de texte. En fait il se lit très vite, « sur le papier ».

Mais la forme en fait un livre finalement assez complexe, au rythme bien à lui. Sur une page, sans verso, un narrateur s'exprime ; on ne sait pas de qui il s'agit, mais il connait la victime. Page suivante, sans verso, un autre utilise un « je », ce n'est pas le même personnage que précédemment. On arrive à reconnaître certains, s'ils sont suivis de leur témoignage ; mais d'autres me sont restés hermétiques.

L'histoire, c'est que la protagoniste a été abusée sexuellement pendant son adolescence par son oncle durant plusieurs années. Bien plus tard, lorsqu'elle est adulte, elle décide de porter plainte contre lui. Elle fait partie d'une famille à priori assez vaste – sa mère a plusieurs soeurs qui ont elles-mêmes des enfants – et chacun, on suppose, prend la parole d'une manière ou d'une autre.

Donc, nous avons droit au dépôt de plainte de la jeune femme. Froid, factuel. Ce n'est pas le seul extrait de l'enquête menée, puisque, comme dit au-dessus, il y a aussi les témoignages de l'entourage de la victime ou du coupable. On trouvera également dans le roman les évaluations psychologiques de chaque partie, plaignante et accusé. La police d'écriture change pour ces chapitres, prend la forme de celle d'une machine à écrire. Les autres chapitres, eux, peuvent être la voix de la victime qui raconte ou de la famille qui réagit à l'événement ; ces derniers prennent des formes multiples : conversation téléphonique, adresse directe… Les réactions vont du soutien aux menaces remplies d'insultes, en passant par le doute, le déni ou la culpabilisation.

Cette forme de récit bien particulière renforce finalement assez bien le fond développé dans ce roman : dans une situation comme celle-ci, bien sûr beaucoup plus courante que ce qu'il n'y paraît, tout le monde a un avis à donner, qu'il soit sollicité ou non. Parfois étoffé, parfois superficiel, parfois témoin. L'entourage étouffe la protagoniste, lui adresse directement son ressentiment, la harcèle, et toutes les voix les unes après les autres, dans le rythme imposé par l'autrice, sont suffocantes pour le lecteur.

Le pari de la sensibilisation est donc gagné ; en France de même qu'en Argentine, porter plainte n'est pas le bout du tunnel. Il y a beaucoup plus que les violences dénoncées à affronter : celles de la police (parfois passives, comme ce « s'il vous avait pénétrée, ce serait plus grave »), celles de la famille (la fille de l'oncle mis en examen prend le parti de son père de manière agressive), et même celles de personnes plus extérieures. Ce roman est une belle manière de faire comprendre au lecteur de quoi il retourne, pourquoi les victimes se taisent, pourquoi et comment elles parlent, pourquoi elles ont besoin de soutien.

J'ai trouvé ce roman très bien, il atteint son but, la forme est originale et très parlante, le fond est pertinent et bien amené. Par contre, je ne sais pas s'il laissera une grande marque dans ma mémoire ; je comprends son importance lors de sa parution en Argentine, mais en littérature française, j'ai pu lire des ouvrages qui me marquent encore aujourd'hui (je pense par exemple à l'incroyable Les corps inutiles de Delphine Bertholon, qui m'a fait l'effet d'un boulet de canon à sa lecture).

Je salue tout de même le travail remarquable de l'autrice, ainsi que sa solidité face à ces questions. Je n'ai d'ailleurs pas voulu mentionner la préface dans la chronique (pardon mais je déteste les préfaces, j'aime me renseigner moi-même après une lecture sans qu'elle me soit décortiquée avant), d'autres l'auront de toute façon fait avant moi. Et je tire mon chapeau à la traductrice, Marguerite Capelle, qui a su mettre les mots sur ceux, précis et dévastateurs, de Belén López Peiró.
Lien : https://folitteraires.wordpr..
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