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Citations sur L'arsenal du diable (5)

Dimanche 15 mai, 18 h30
Najila me regarde, elle soupire, elle devine que l'heure est venue. Que ma décision est prise d'agir et de partir cette nuit. On en a discuté mille fois, elle est résolument contre et pourtant c'est mon intuition que je vais suivre, pas la sienne. Après, plus rien ne sera jamais pareil. Mon intuition me dit haut et fort - en fait, elle me hurle... - que c'est maintenant ou JAMAIS ! Fonce mon ami, fonce, tu ne retrouveras pas de sitôt pareille occasion !
Car l'organisation à laquelle j'appartiens, qui m'a recruté il y a douze ans quand elle s'est retrouvée en pleine ascension après les attentats du 11 septembre, est aujourd'hui en perte de vitesse. Le Mujao - dont je suis l'un des pourvoyeurs de fonds pour l'Europe francophone - est déstabilisé par la perte d'influence d'Al-Qaïda, après les éliminations de bon nombre de ses chefs historiques et des guerres de succession fratricides qui ont suivi. AQMI est chahutée par des accusations de répartition injuste de l'argent des rançons, et est acculée par les représailles aériennes françaises. Pareil pour Ansar Dine dont les numéros deux et trois ont disparu lors d'opérations de «neutralisation» de la DGSE. Même la branche la plus active : AQPA, a connu de nombreux revers après la mort de son numéro deux. Et puis il y a la concurrence sauvage de l'EIIL (l'État islamique en Irak et au Levant), sur tous les fronts : Syrie, Irak, Mali, Niger, Yémen, Koweït... Ce qui fait peur à nos soutiens financiers et les fait fuir progressivement... C'est le déclin d'Al-Qaïda et de ses satellites comme le Mujao, c'est net.
Donc, pour moi, c'est le bon moment.
Je me nomme Francis Sanikollé Aboumalik. J'ai coupé avec mes racines depuis que j'ai renoncé à la nationalité malienne pour obtenir un job aux Constructions navales de Nantes. En vue d'obtenir l'accréditation «Défense», j'ai dû choisir la nationalité française. Et elle seule. Ce que j'ai fait, naturellement !
J'ai un tout petit bout d'accent africain, presque rien, je chante un peu, cela me rend sympathique je crois, et ce que je ressens passe dans le son de ma voix comme une musique.
Najila me regarde un long moment avant de dire :
- Lelia aimerait que tu l'aides pour ses devoirs.
Elle n'a pas l'air de s'énerver, elle paraît juste plus lasse qu'irritée, vraiment lasse et triste plutôt que réellement fâchée.
- Et tu pourrais baisser un peu la musique ?
Il y a une légère vibration dans sa voix. Barbara dit que Paris sous la pluie la lasse et l'ennuie. Et que la Seine est plus grise que la Tamise...
- Tu vas voir Lelia, insiste-t-elle. Après, ce serait bien qu'elle fasse un peu de guitare, tu crois que tu pourras jouer avec elle ?
Elle a envie que je parle, que je réponde quelque chose, je dis oui, bien sûr.
- Tous ces efforts pour rien, elle ajoute.
- Mais non, pas pour rien, je t'assure. Après, notre vie sera transformée, du tout au tout. Avec cet argent, on s'installera loin, de l'autre côté de la terre et on n'aura plus de question à se poser, jamais. On n'aura plus qu'à se laisser vivre, faire des petits frères à Lelia qui auront la plus belle vie possible, pour toujours. Eux, ils auront une famille, celle qu'à nous, on a volée.
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Extrait du prologue

Il est des scènes de la vie qui sont comme des songes. Elles vous hantent et vous attristent, laissant en tête des traces poignantes, une chorégraphie chahutée de personnes que vous aimez, qui vous manquent, dont le souvenir vous brûle et vous harcèle. Un cortège de souvenirs douloureux, provocants.
L'évocation de la dernière soirée passée avec ma femme et ma fille m'obsède. Si j'avais su que ce serait à ce point, je n'aurais peut-être pas tenté cette aventure. J'aurais respecté l'inquiétude de Najila, ma femme, houbi anhabek tolhyati, al-Hamdu li-llâh : «Mon amour que j'aimerai toute ma vie, j'en remercie Dieu.»
Cette dernière soirée restera gravée dans ma mémoire jusqu'à l'instant de ma mort, peut-être proche.
C'était un dimanche, à la mi-mai, je m'en souviens très précisément.
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Faites moi sortir des lapins de vos chapeaux, je veux voir vos tours de magie.
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les deux hommes boivent debout, s'observant à la dérobée à travers la vapeur qui monte des bols. Devraux et Grillet sont liés, depuis des années, par une affection à base de thés, parfois arrosés, et de trêves silencieuses.
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« il est des scènes de la vie qui sont comme des songes. Elle vous hantent et vous attristent, laissant en tête des traces poignantes, une chorégraphie chahutée de personnes que vous aimez, qui vous manquent, dont le souvenir vous brûle et vous harcèle. Un cortège de souvenirs douloureux, provocants.
(…)
Cette dernière soirée restera gravée dans ma mémoire jusqu’à l’instant de ma mort, peut-être proche.
C’était un dimanche, à la mi-mai, je m’en souviens très précisément. »
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