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Critique de Bouteyalamer


Je ne connaissais pas ce petit livre, quasi contemporain du drolatique « Quel petit vélo à guidon chromé au fond de la cour ? », à lire pourtant pour comprendre l'habile caméléon qu'était Perec. Il s'agit de lui-même, dans sa chambre de bonne de 5 m2, qui renonce à tout contact et s'astreint au minimum. Un budget de 15 francs par jour. Toujours les mêmes repas médiocres. La même discipline quotidienne vis-à-vis de l'hygiène et de l'ordre. Et pour le reste, rien. L'observation passive de son visage, des murs, des rues, des gens. Non pas une démission, qui supposerait une décision et son affirmation à autrui, ni la dépression, il n'y a pas ici de douleur morale, mais l'introspection, puis le doute, enfin le gel de la pensée, gelée sans saveur, lâcher-prise. Perec tue les mots : « Tu lis à voix haute, tout le jour, en suivant du doigt les lignes du texte, comme les enfants, comme les vieillards, jusqu'à ce que les mots perdent leur sens, que la phrase la plus simple devienne bancale, chaotique ». Il passe dans sa piaule un temps indéfini, de jour ou de nuit, se figure son corps sur sa couche, détaille longuement ses phosphènes, les fissures de la peinture du plafond. Il marche interminablement, traverse les musées (il décrit sans le nommer le splendide Condottière d'Antonello de Messine du Louvre), fréquente les cinémas. Puis viennent les rats, les monstres, et pire, la tristesse, enfin l'écoute patiente du voisin à travers la mince cloison. le travail d'imagination reprend et le maintient en vie. Dans les dernières pages viennent les réminiscences, Roquentin, Bartleby, et finalement l'humour qui le sauve : « nul vautour ne s'est vu infliger l'indigeste pensum de venir te boulotter le foie, matin, midi et soir ». La dernière page évoque le final du Cimetière marin : « Regarde, regarde-les. Ils sont là des milliers et des milliers, sentinelles silencieuses, Terriens immobiles, plantés le long des quais, des berges, le long des trottoirs noyés de pluie de la place Clichy, en pleine rêverie océanique, attendant les embruns, le déferlement des marées, l'appel rauque des oiseaux de la mer ».
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