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Critique de Pecosa


Deux nouvelles d'Arturo Pérez Reverte, Une affaire d'honneur, et Les yeux bleus, sont réunies dans cette édition bilingue (page de gauche, le texte espagnole, page de droite, la traduction française, et notes de bas de page).

* Une affaire d'honneur est paru dans le journal El Pais en 1994, puis adapté au cinéma sous le titre Cachito l'année suivante.
Manolo Jarales Campos, alias El Llanero Solitario sur la CB, est un chauffeur routier ancien taulard. Client occasionnel du bordel du Portugais sur la nationale du côté de Jerez de los Caballeros, il est frappé par la beauté d'une jeune fille de seize ans, qui tente de s'enfuir dans son camion. Elle est vierge et a été vendue par le propriétaire à un ponte du coin pour quarante mille douros. Pressentant que l'affaire n'augure rien de bon, Manolo la ramène. Mais pris de remord, envoûté par la beauté de Maria, qui a oublié dans sa cabine son exemplaire de L'île au trésor, et parfaitement conscient qu'il signe la fin d'une tranquillité toute relative, il fait demi-tour et tel John Wayne à Fort Alamo, part récupérer la fille qui rêve de voir la mer à Faro. « Te voilà bien, mon vieux, je me suis dit. C'est le début des emmerdes. » Car l'affaire ne va pas en rester là. « J'ai touché l'argent de Larreta, et maintenant je suis déshonoré. » se lamente le Portugais qui a mis tous les camionneurs à contribution pour retrouver le couple de fuyards et leur faire payer cette humiliation.
Une affaire d'honneur est un road-movie enlevé sur les routes d'Espagne. Mais de l'honneur il n'y en a point. Pas plus chez le propriétaire du puti club qui vend des femmes que chez le vieux notable qui achète la virginité d'une fille de seize ans. Le seul qui puisse s'en prévaloir est finalement Manolo, l'éternel perdant, le justicier solitaire qui sillonne les routes au volant de son Volvo 800 Magnum de quarante tonnes.
Il est plutôt amusant que les éditions bilingues aient choisi cette nouvelle, car niveau vocabulaire, le lecteur va plutôt enrichir son argot. Le texte est truffé de mots familiers.

*Les yeux bleus se situe dans un tout autre registre. Paru en 2006 dans un recueil de nouvelles (La pasajera de San Carlos. Jodía Pavía. El doblón del capitán Ahab. Ojos azules), le récit nous plonge au coeur de la « Nuit triste », la « Noche triste », lorsque le 30 Juin 1520, les troupes de Hernán Cortés quittent la ville de Tenochtitlán (Mexico) poursuivis par les Aztèques. Parmi les soldats espagnols, il y a un homme aux yeux bleus qui a quitté sa terre de misère pour chercher fortune aux Amériques. Un sac d'or sur l'épaule, il s'apprête à s'enfuir de la capitale assiégée. Il sait que cette nuit, sous une pluie battante, chacun tentera de rejoindre Tacuba, puis Veracruz. Alvarado, le lieutenant de Cortés a fait récemment massacrer une partie de l'aristocratie et du clergé. Les Indiens ne leur laisseront aucun répit. Dans la nuit, une vieille indienne donne l'alerte. Les Espagnols s'enfuient, tellement chargés d'or que certains coulent à pic et que d'autres peuvent à peine marcher.
Ce récit historique, court mais d'une force rare, narre l'un des évènements les plus connus de la conquête espagnole du point de vue d'un soldat anonyme. Les pensées d'un conquistador sans scrupule, qui a mis tous ses espoirs et ses rêves de fortune dans l'or du Nouveau monde, s'envolent vers une femme, une Indienne, une « chienne païenne » qu'il a méprisée. « J ‘espère pensa-t-il, que mon fils aura les yeux bleus ». Les yeux bleus est la parabole du métissage violent, cruel, et inévitable, qui a redessiné le visage de l'Amérique. Arturo Pérez-Reverte se serait inspiré d'un élément situé dans une fresque du peintre muraliste Diego Rivera, une indienne tenant dans ses bras un bébé aux yeux bleus pour donner au métissage une histoire, deux visages et un destin, qui ne seraient ni celui de Malinche, ni celui de Cortés. En trente-trois pages percutantes.
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