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Critique de Presence


Ce regroupe les épisodes 1 à 13 et annuel 1 de la série de Wonder Woman de 1987. Ce récit a donc la particularité de reprendre l'histoire de Wonder Woman depuis le début.

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- Épisodes 1 à 7 initialement parus en 1987.

30.000 avant Jésus Christ, un homme des cavernes maltraite une femme et cause sa mort alors qu'elle était enceinte. 1.200 avant JC, le panthéon des dieux grecs est en émoi : Ares et Artemis proposent 2 projets incompatibles aux dieux de l'Olympe. L'objectif est de créer une communauté qui assurera la pérennité de ce panthéon. Artemis finit par avoir le dessus et la race des amazones nait de la volonté des dieux. Elles choisissent de vivre en autarcie ; le développement harmonieux de leur communauté attise la jalousie qui à son tour engendre la calomnie. Après la venue d'Hercule pour l'un de ses travaux, les amazones s'isolent du reste du monde sur une île magiquement coupée de notre réalité. Mais Ares n'a pas dit son dernier mot et le temps est venu pour le peuple des amazones de disposer de leur championne. Après ce premier épisode, les 5 suivants sont consacrés à déjouer les plans d'Ares et à introduire les personnages habituels de la série (Steve Trevor, Etta Candy, Julia Kapaletis et Nessie sa fille). le dernier épisode permet de faire le point après la défaite d'Ares et d'établir la raison de la présence de Wonder Woman à Boston. Il contient également la première apparition de Mindy Mayer.

En 1985, DC Comics produit Crisis on Infinite Earths, une série en 12 épisodes qui fait le ménage dans 50 ans de continuité en supprimant le concept de multivers. Chaque personnage repart à zéro ou presque : Superman dans The Man of Steel en 1986, Batman dans Year One en 1987, et la Justice League International également en 1987. le cas de Wonder Woman est plus compliqué. Il s'agit d'un personnage créé en décembre 1941 par le docteur William Moulton Marston. Ce personnage accumule les incohérences et les impossibilités : des bottes à talons hauts absolument incompatibles avec les combats qui sont le lot des superhéros, un costume qui s'apparente à un maillot de bain suggestif (épaules nues) avec les étoiles du drapeau américain, une origine ancrée dans les légendes grecques (quel rapport avec le drapeau américain ?), un avion robot invisible, un lasso magique, une propension légèrement masochiste à se retrouver enchaînée (bondage et masochisme), etc. Pour ajouter une contrainte supplémentaire, la version la plus populaire ne correspond pas à celle des comics, mais celle de la télévision incarnée par Linda Carter dans Wonder Woman Saison 1. Il faut donc revenir aux sources de 1940, tout en respectant la version télévisuelle, sans retomber dans le kitch insupportable des origines.

Il revient à George Perez de chercher la quadrature du cercle. Il est aidé au scénario par Greg Potter pour les 2 premiers épisodes, puis par Len Wein pour les 5 autres. À la relecture, 2 constats s'imposent. En 1987, Perez n'écrit pas encore pour un lectorat adulte, mais plus pour des adolescents encore assez jeunes. Ensuite, il a choisi de privilégier l'aspect mythologique pour structurer cette reconstruction du personnage. Oubliez l'avion robot invisible (pourtant pratique, nan je rigole). Pour un américain, Perez a bien bossé sa mythologie et l'histoire globale tient la route. La Princesse Diana trouve naturellement son rôle d'ambassadrice de paix aux pays des hommes, tout en restant une combattante de haut niveau. Ce nouveau départ bénéficie d'une structure saine et de personnages rapidement attachants. L'enjeu est important, la magie règne en maître et les combats sont prenants.

George Perez s'occupe également des illustrations qui sont encrées par Bruce Patterson, un vétéran. Dès le premier épisode, il est évident qu'il a passé du temps sur ses planches et qu'il a effectué de sérieuses recherches sur l'époque de la Grèce antique. La cité bâtie par les amazones est impressionnante, toute en pierres et en colonnades. La vision qu'il donne de l'Olympe donne le tournis (je ne sais pas si c'est lui qui a pensé à jouer avec la gravité, ou si cet élément était déjà présent avant). Pour des raisons qui ne sont pas apparentes, cette version de Steve Trevor semble plus âgée. Diana est magnifique, jeune, resplendissante, avec une belle chevelure et un visage exprimant la curiosité devant ce monde des humains qu'elle découvre. Perez a conservé quelques tics propres aux comics ordinaires, tels que les personnages dessinés avec la bouche grande ouverte pour un oui ou pour un non, indépendamment de l'émotion qu'ils sont en train de ressentir. Heureusement, la précision et la minutie apportées à chaque case permettent d'éviter un registre graphique trop enfantin.

Bilan : George Perez réussit le pari de faire revenir une héroïne très difficile à rendre plausible. Il reste cependant quelques aspects qui empêchent Wonder Woman de passer dans les personnages crédibles pour des lecteurs plus âgés, à commencer par son costume, la tentation de la voir enchaînée, et la difficulté de trouver une position convaincante quant à cette jeune femme qui découvre pour la première fois le vingtième siècle, sans s'étonner tant que ça des aspects technologiques. Ce récit reste cependant assez agréable à lire d'une part grâce aux illustrations maniaques de Perez, d'autre part parce que Diana évolue d'épisode en épisode.

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- Épisodes 8 à 14 -

Épisode 8 - Cet épisode sert de point d'étape quant à l'impact de Wonder Woman dans le monde des hommes. Il est narré d'une manière originale puisque le lecteur découvre (1) des pages d'un début de livre de Julia Kapatelis consacré à Diana, (2) une lettre adressée à Steve Trevor par Etta Candy pour faire un point sur les conséquences des machinations d'Ares et des tests effectués par les militaires sur les capacités physiques de Diana, (3) un extrait du journal intime de Vanessa Kapatelis narrant une intervention de Diana dans son collège, et (4) un extrait du journal intime de Mindy Mayer, la chargée de relations publiques de Diana. Chaque partie se présente sous la forme d'une colonne de texte, avec des illustrations sur le coté.

Épisode 9 - Une certaine Barbara Minerva atterrit à Boston avec son serviteur et sa plante exotique pour tenter de dérober un objet à Diana. Il s'agit de la première rencontre moderne (post Crisis on Infinite Earths) entre Wonder Woman et Cheetah.

Épisode 10 à 14 - Zeus a enfin pris conscience de l'importance des amazones en général, et de Diana en particulier. Il souhaite les honorer de son amour divin en commençant avec Diana d'une façon très physique et très fidèle à la mythologie (ce qui n'enchante ni Héra, ni Diana qui n'est pas consentante). Zeus n'est pas vraiment connu pour sa patience ou sa mansuétude ; il impose donc à Diana de pénétrer dans la caverne des démons située à l'extrémité de Themyscira (Paradise Island) pour y chercher son plus cher trésor. Cette quête va constituer une aventure périlleuse et une plongée au coeur de la mythologie grecque.

Avec ce tome, le lecteur a la preuve que George Perez a pensé cette nouvelle incarnation de la princesse Diana de Themyscira sur le long terme. Avec l'épisode 8, il essaye une nouvelle forme de narration. Les extraits de journaux intimes et les pavés de texte se lisent facilement, mais les images juxtaposées n'apportent pas grand-chose et elles sont collés les unes à coté les autres sans une structure très bien pensée. L'épisode consacré à Cheetah s'avère plus frustrant qu'autre chose, car trop court et sans développement du personnage. Et puis, il est temps de basculer dans la mythologie grecque pour donner plus de consistance aux amazones et au panthéon. Coté mythologie, le lecteur est servi avec Zeus & Héra, Olympus, l'Hydre de Lerne, Polyphème, Échidna (oui, Perez a bien bossé sa mythologie), etc. Ce qui est plus inattendu, c'est que George Perez s'attaque aux aspects plus délicats à expliquer du personnage de Wonder Woman, à commencer pas son costume. Comment se fait-il que ses culottes évoquent les étoiles du drapeau américain et que son bustier porte l'aigle américain ? La réponse se trouve dans la seconde guerre mondiale et une pilote d'avion de chasse hors du commun. Je reste un peu coi devant cette explication chargée en paradoxes temporels et qui insiste lourdement sur l'impossibilité pour une si petite communauté (les amazones) de vivre coupée du monde sur un tout petit bout de rocher sans que leur civilisation n'évolue, ni ne régresse. Je préfère également passer sous silence l'impossibilité dans ces conditions de fabriquer des balles de revolver. Et puis plus les pages passent, plus dialogues de Len Wein deviennent pesant, lourds, très lourds, indigestes, de plus en plus fastidieux à lire, des embarras du récit, au lieu d'en améliorer le rythme.

Tous les épisodes sont dessinés par George Perez, ou presque. Dès le numéro 9 les pages de titres précisent qu'il n'assure plus que la mise en page et des crayonnés assez lâches, Bruce Patterson recevant le titre de "finisseur", charge à lui d'encrer les dessins, mais aussi de les compléter. Chaque case perd en détails car Patterson n'a pas l'obsession minutieuse de Perez. Mais le style de Perez transparaît dans l'agencement des cases et les postures des personnages. La majeure partie des pages comporte un nombre élevé de cases de 6 à une douzaine, ce qui correspond bien à la vision que Perez a de la narration : dense. Perez continue de développer la cohérence mythologique de la Grèce ancienne, à la fois par les tenues des amazones, et par l'aspect des créatures des mythes. Même le Minotaure évoque plus un être de légende qu'un supercriminel avec une base animale. Bruce Patterson effectue un bon travail d'encrage, assez fin. Il ne se substitue pas à Perez, c'est-à-dire qu'il ne rajoute pas de détails ou de précision, mais il transcrit fidèlement et avec application chaque élément. En particulier il apporte un grand soin à retranscrire les émotions sur le visage de Diana et à préserver son aspect juvénile. Elle donne l'impression d'avoir en 16 et 18 ans. de la même manière, le colonel Trevor fait également son âge (beaucoup plus important que dans les précédentes versions du personnage).

Ce tome prouve que George Perez s'est investi et impliqué pour ce retour de Wonder Woman au-delà d'un simple travail de commande. Il a une vision claire de son personnage principal : une jeune femme forte et décidé, tout en restant accessible à la pitié et à l'empathie. Il a choisi de développer l'aspect mythologique du personnage et il bute sur des éléments basiques tels que l'inanité d'un panthéon de dieux omnipotents guidés par leurs émotions primaires (Zeus qui veut se faire Diana), l'invraisemblance du polythéisme, etc. Son récit est bien construit avec une direction solide de l'intrigue, mais le lecteur a du mal à digérer les cases de texte de Len Wein et le découpage trop plan-plan des pages.
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