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Critique de Foufoubella


Comme d'autres avant moi l'ont écrit, et bien écrit, dans leur billet, ce roman a pour postulat de départ une histoire vraie, celle des soeurs Relf aux Etats-Unis qui ont été stérilisées à leur insu (j'aurais bien dit « de force ») alors qu'elles n'étaient âgées que de 12 et 14 ans. On ne parle pas d'une époque si lointaine, mais des années 1970, période du disco, du film Grease et de l'arrivée massive, et légale surtout, de la contraception.
Leur crime ? Être noires et pauvres. Donc stupides et ayant le feu aux fesses.
Ce ne sont pas les seules à avoir bénéficié de ce (mauvais) traitement mais ce qui est le plus révoltant reste leur âge. On les a empêchées de devenir mères avant même d'avoir connu leur premier petit copain, leur premier baiser, voire leurs premières règles. Parce qu'il le fallait. PointVous l'aurez deviné, Dolen Perkins-Valdez a créé un roman à partir de ce fait divers (qui ne devrait pas être un fait divers, comme le dit le titre d'un autre roman plus récent), roman qui se lit très vite. Sur le fond, je n'ai presque rien à dire, il est passionnant. Moi qui me targue d'être plutôt calée sur l'histoire des Etats-Unis, particulièrement le 20ème siècle, je dois bien admettre que je n'avais jamais rien lu sur ce sujet, même durant mes études. Si la ségrégation raciale est théoriquement et légalement abolie depuis la fin des années 60, il ne faut pas avoir fait un doctorat pour se rendre compte, dans les faits, qu'elle existe toujours. Différemment, insidieusement, mais réellement. Un Noir dans un quartier huppé est toujours suspect, la mixité sociale n'existe que très peu. le mouvement « Black lives matter » remis au goût du jour en 2020 nous l'a encore une fois prouvé. Il n'y a donc rien d'étonnant que ce genre d'histoire ait pu se produire en Alabama, l'un des états les plus ségrégués et racistes. J'ai appris beaucoup de choses dont je n'avais pas idée, notamment en matière d'éthique. Je me suis d'ailleurs retrouvé durant une bonne partie du roman avec internet à porter de main pour vérifier et amplifier mes connaissances sur les thèmes que le roman abordait. Et ça, j'adore.Mais, j'ai trouvé aussi pas mal de défauts à ce roman et je reprendrai ici à mon compte une phrase que Bidule62 utilise dans son billet, soit que la forme affadit malheureusement le fond. En effet, l'écriture (ou la traduction) est très simple, sans verve, sans romanesque presque, sans oublier quelques coquilles, maladresses, répétitions et mots oubliés. Les idées sont là, l'histoire, les histoires dans l'histoire sont là, mais il y manque le souffle, ce qui fait passer un livre d'un bon roman à un excellent roman, voire une claque ou un coup de coeur.
Pareil pour les personnages, j'ai trouvé qu'ils manquaient singulièrement de profondeur, de densité. Civil, le personnage principal, m'a insupportée une bonne partie du roman, je l'ai trouvée « trop », à tout point de vue. J'aurais aussi préféré que l'auteure donne davantage de place aux fillettes, à India, à Erica. Leurs sentiments, leurs réflexions ne sont que très superficiellement abordés.
Et aussi, puisque je parle de superficialité, j'ai trouvé que beaucoup de sujets étaient questionnés dans ce livre, mais sans creuser alors qu'il y avait tellement matière à faire. Il était intéressant, par exemple, de parler de la hiérarchie au sein d'une même communauté. Oui, il existe des Noirs très pauvres, mais aussi des Noirs très riches, même à l'époque, et cela créait forcément des tensions qui ne sont même pas réellement abordées ici. de même, si nous arrivons facilement à nous mettre d'accord sur le fait que la stérilisation de ces petites filles, et par extension des plus pauvres (et toujours des femmes d'ailleurs), est ignoble, il est par exemple également intéressant de se demander si les soignants, blancs pour la plupart, qui le faisaient en toute conscience et connaissance de cause, ne pouvaient pas aussi sincèrement penser que c'était ce qu'il y avait de mieux à faire. Cette question est subrepticement abordée dans ce livre, mais sans approfondir alors qu'il y a là aussi matière à réflexion.
Tout cela fait qu'à un moment, alors que j'avais beaucoup de plaisir dans ma lecture, j'ai commencé à trouver que le roman tirait en longueur. Et je l'avoue, ce qu'il adviendrait ou non des personnages, à un moment, ne me tracassait plus. En bref, il m'a manqué deux – trois petites choses dans ce roman pour en faire une lecture inoubliable. L'histoire est passionnante mais a manqué de tension, le sujet principal est incroyable mais la plume est un peu fade même si la lecture fut agréable dans l'ensemble. le message que fait ou veut faire passer l'auteure est bien passé mais sans émotion. Cela ne peut donc pas être un coup de coeur. Pourtant, je lui mets quatre étoiles car, pour moi, quand même, le fond l'a emporté sur la forme. Un roman que j'encourage à découvrir.Un grand merci à Babelio, et plus spécialement à Pierre, pour me l'avoir proposé dans le cadre d'une masse critique privilégiée ; un grand merci également aux éditions du Seuil pour l'envoi de ce livre qui devrait trouver son lectorat.
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