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Critique de Bigmammy


Le sous-titre de cette collection d'essais est réducteur. L'ouvrage commence par l'étude des mouvements ouvriers et en particulier le premier chapitre qui traite des ouvriers en grève.
Cette thèse - particulièrement bien écrite et très accessible - recouvre les années 1870 à 1890, au début de la Troisième République, moment-clé de la révolution industrielle et des grands chantiers d’aménagement urbain. L’auteure a fait elle-même sa sélection parmi son œuvre considérable qui traite essentiellement d’histoire sociale, des marges et des prisons, des femmes et du genre. L'ouvrage commence par cette étude magistrale.
La grève : le mouvement par excellence de la classe ouvrière. Le livre d’origine comprend 900 pages et ici seulement 123. Son intérêt évident est de comparer les éléments mis en lumière par Michelle Perrot et ce que nous vivons depuis plus de 40 jours. Et les constantes abondent …
Première constatation : la grève est une fête. On cesse le travail, on quitte en bloc l’usine, c’est l’échappée-belle, souvent en famille. Dans l’époque étudiée, la violence connaît cependant d’étroites limites et d’abord dans son champ exclusivement patronal. Cantonnée au périmètre des usines, elle dégénère rarement en émeute mais est ponctuée très souvent de bris de vitres, de jets de pierres, de saccages des demeures orgueilleuses des patrons : en vingt ans, on ne dénombre en effet qu’une demi-douzaine de barricades – à Paris une seule en 1888. L’attitude des syndicats de l’époque est sans ambiguïté : la violence naît en dehors d’eux et ils la condamnent.
Au cours de la grève, la parole assure plusieurs fonctions : exutoire, défoulement, communication des idées par répétition et contagion. Un processus assez semblable à l’évangélisation, c’est la prédication socialiste. Injures, menaces, huées, acclamations : la haine contre les patrons s’étale sur les murs, les cris et les chansons sont de mise. Dans la rue, les cris scandent les mouvements d’une masse dont ils épaulent la déambulation. La violence physique est le fait des anarchistes et le supplice promis (aux patrons jadis, aux gouvernants aujourd’hui) est toujours la pendaison, rustique arme du pauvre.
Il est question de l’exaltation de la lutte ouvrière (le refus de souffrir encore), plus que de lutte des classes. Deux revendications majeures : la satisfaction des besoins matériels et la soif de considération. Car les classes dirigeantes sont jugées aussi immorales qu’inefficaces. Cependant, on reste discret sur les moyens d’accomplir la Révolution. On refuse l’ingérence du Politique, facteur de divisions, de côteries.
Le discours politique suscite une sourde résistance : crainte d’être récupéré. Il n’y a donc pas forcément concordance entre la vigueur sociale et les choix politiques conservateurs (voir en 1968). Et, parmi les revendications : la lutte contre la main-d’oeuvre étrangère et la xénophobie. Les syndicats réclament que les étrangers ne viennent pas travailler en-dessous du salaire minimum des Français …Ce que la crise rend utopique. La « préférence nationale » est déjà là et on s’attaque aux travailleurs étrangers (Italiens, Belges...) en brandissant le drapeau tricolore.
Conclusion de l’auteure : la grève précède et engendre le syndicat et non l’inverse, et la syndicalisation de la grève c’est à la fois sa rationalisation efficace mais aussi sa possible domestication.
Lien : http://www.bigmammy.fr/archi..
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