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Critique de Pecosa


Quand Leo Perutz s'attaque à la guerre d'Indépendance espagnole, il place à La Bisbal, petite ville imaginaire perdue dans les montagnes des Asturies, des soldats et officiers des régiments de Nassau et de Hesse chargés d'éradiquer la guérilla espagnole. En cet hiver 1812, les troupes allemandes doivent faire face à l'armée hétéroclite du colonel Saracho, alias "La fosse à tanner" et enragent face à cette nouvelle forme de conflit.
Cinq jeunes hommes liés par les mêmes rêves de gloire et leur fidélité à l'Empereur, tentent de briser la résistance espagnole. Ils sont également liés par un secret, celui d'une passion commune pour feue la belle Françoise-Marie, l'épouse de leur colonel, dont ils ont partagé les faveurs. Perutz parsème ça et là quelques éléments incontournables du roman historique, le clivage entre les "afrancesados" et les guérilleros, le mouvement des troupes qui progressent, les souvenirs des campagnes précédentes... Mais voilà, le régiment de Nassau est anéanti dans les terres asturiennes, sans que L Histoire n'en garde trace.

Jusqu'à ce que, bien des années plus tard, à la mort d'Edouard de Jochberg, "un vieux soldat qui, au temps de sa jeunesse, avait vécu une partie des campagnes de Napoléon Ier", on ne trouve ses mémoires. Jochberg, à peine dix huit ans en 1812, fut, comme il le mentionne, un des seuls survivants de son régiment. Quelle valeur critique accorder à un récit qui n'a pour seule caution que le pacte tacite entre le lecteur et le mémorialiste, pacte mis à l'épreuve par les extraordinaires révélations d'un homme qui affirme avoir rencontré en Espagne le Juif errant, ainsi que le mystérieux Marquis de Bolibar?

Chez Perutz, le fantastique s'invite dans L Histoire et l'asservit. Face aux troupes de Napoléon baignées dans une atmosphère onirique se dressent des fantômes métamorphes. La fulgurance des rêves s'oppose au lent processus temporel de la perception. S'appuyant sur une structure narrative complexe, Leo Perutz échafaude un plan machiavélique que les héros, asservis par leurs passions et leur aveuglement auront bien du mal à percevoir. A La Bisbal, une intelligence omnisciente préside à leur destinée.
Le lecteur béotien, manipulé comme les personnages du roman, tombe sous le charme du Marquis de Bolibar (qui nous rappelle parfois le Manuscrit trouvé à Saragosse de Potocki ou La légende de Pendragon de Szerb). Le roman comblera aussi les puristes qui connaissent la couleur des boutons de l'uniforme de Sébastiani à la bataille de Talavera de la Reina.
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