Le coeur bavard

Lina vit dans un immeuble de la Cité Maurice Ravel, avec ses trois frères et son père, immigré russe qui a sombré dans la boisson depuis que leur mère les a quittés lorsqu'elle avait huit ans. Momo, l'aîné, fait la plonge au noir dans un restaurant dont il ramène des restes d'aliments pour nourrir la famille et s'exercer pour passer le concours du meilleur apprenti. Il rêve de devenir chef et d'avoir un jour son propre restaurant. Sacha, le frère jumeau de Lina, est aussi dégourdi qu'intelligent et monnaye ses talents pour écrire à l'administration ou faire les devoirs d'autres collégiens. Lina elle même fait du baby-sitting ou des commissions, veille sur son petit frère et travaille beaucoup pour obtenir de bons résultats, pour, un jour, quitter la cité. Dans le cadre d'une expérimentation de mixité sociale, les élèves de son quartier prennent le bus tous les matins pour rejoindre un collège de centre-ville, où ils sont toisés et souvent méprisés. Lina n'y a pas de copine et rêve de devenir l'amie d'une de ces filles des beaux quartiers qu'elle admire tant. Un concours d'éloquence va lui donner l'occasion de se distinguer, mais aussi de regarder sa cité d'un oeil neuf.
C'est un livre optimiste, qui évoque certes des situations difficiles et douloureuses, mais déborde de générosité et de chaleur humaine. Les personnages sont pratiquement tous sympathiques et même celui qui apparaît comme un exemple type de vieux facho s'avère finalement plus à plaindre qu'à détester. Certes, on sait que la réalité est souvent bien plus sombre, mais ça fait du bien de lire un livre qui donne une image positive des "quartiers", dont, comme le rappelle Lina, les journaux ont tendance à n'évoquer que les aspects les plus sordides. L'autrice étant elle-même assistance sociale, on peut penser que nombre de personnages sont inspirés de son quotidien, et c'est un bel hommage à tous ceux qui malgré les galères gardent le sens de l'amitié et de la solidarité.