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Critique de Patsales


Un roman à tiroirs, par une métaphore limpide, est un roman dans lequel s'enchassent des récits secondaires (inutiles à la compréhension de l'histoire principale, précise Wikipédia). Inutiles, jusqu'à un certain point puisque, si une commode peut parfaitement tenir debout sans ses tiroirs, on ne voit pas trop à quoi elle servirait alors. Ici, 69 chapitres superposent diverses histoires qui, bien entendu, communiquent les unes avec les autres, à la manière d'un meuble à secrets. Il est donc beaucoup question de secrétaires dans ce livre, l'un en bois de rose et de citronnier, l'autre secrétaire de comité, l'un qui ouvre sur les mondes de l'imaginaire, l'autre qui prétend tout connaître de vos pensées.
Et c'est toute la profondeur de ce roman que de jouer sur les différents états de la lecture, activité essentielle et vice souvent puni, qui fait échapper à la réalité pour nous emmener dans un monde plus beau. Monde refuge, monde mémoire qui garde ce que la réalité a depuis longtemps emporté. Monde fragile qui peut disparaître d'être corrigé par des censeurs ou démonté par des tenants du structuralisme (« …je me suis trouvé dans l'impossibilité d'arracher son secret au secrétaire en bois de rose et de citronnier aux soixante-dix petits tiroirs, que j'ai été obligé de démonter, mais que je n'ai plus su remonter »). Monde du partage et de l'entre-soi où un livre a d'autant plus de prix que ses aficionados sont peu nombreux. Monde piège où l'on se coule en ignorant les opportunités de la vraie vie (parce que, bon, si Emma Bovary n'avait pas préféré les livres à la vie, elle se serait aperçue que son rustaud d'époux était le prince charmant qu'elle cherchait et que lui seul pouvait mourir d'amour pour elle). Monde prison où des reclus volontaires choisissent d'élever des tours d'ivoire au lieu de chercher à embellir le monde où ils sont nés.
Et c'est la douce perversité de ce roman que de dresser notre portrait de lecteurs drogués à la fiction mais auto-disculpés de se savoir si lucides et de verser plus de poison que d'antidote.
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