Citations sur Soixante-neuf tiroirs (40)
« Il existe trois sortes de lecteurs, selon la classification de Goethe, ce grand pointilleux. La première prend du plaisir sans analyser. La troisième analyse sans prendre du plaisir. Et, entre les deux, il y a celle qui analyse tout en prenant du plaisir et prend du plaisir tout en analysant. C’est cette dernière qui, en fait, recrée l’œuvre.«
Elle dit au facteur qu’elle sera absente pendant quelques jours. Décommande le laitier. Recouvre les meubles de toile blanche. Fait ses bagages comme si elle partait en voyage de l’autre côté de l’Atlantique. Verrouille sa porte. Puis elle s’installe dans son fauteuil en osier et lit. Je ne sais ce que vous en pensez, mais moi, je trouve ça extrêmement, extrêmement suspect !
Depuis un an, en lisant, il lui semblait parfois rencontrer d'autres lecteurs. De temps en temps, peu souvent, mais toujours plus nettement, il se rappelait ces autres personnes, pour la plupart des inconnues, qui lisaient en même temps que lui le même livre. Il se rappelait certaines choses très précises comme s'il les avait vraiment vécues. Vécues par tous les sens. Bien sûr, il n'en avait jamais parlé à qui que ce fût. On l'aurait pris pour un cinglé. Au mieux, pour un toqué.
A vrai dire, en réfléchissant sérieusement à ces phénomènes étranges, il arrivait à la conclusion que sa personnalité vacillait dangereusement à l'extrême limite de la raison. Ou n'était-ce là qu'une illusion due à un excès de littérature et à une carence de vie ?
"Il existe trois sortes de lecteurs, selon la classification de Goethe, ce grand pointilleux. La première prend du plaisir sans analyser. La troisième analyse sans prendre du plaisir. Et, entre les deux, il y a celle qui analyse tout en prenant du plaisir et prend du plaisir tout en analysant. C'est cette dernière qui, en fait, recrée l'oeuvre (....)" (p. 22)
C'est à cause de ce frémissement qui est en vous. D'ailleurs, c'est bien d'une harmonieuse vibration des sens que naissent les mélodies...
Il faisait maintenant plus chaud dans la pièce qu'au moment où elles avaient commencé leur lecture, on y sentait les immensités des eaux qui, depuis des siècles, depuis la création du monde peut-être, coulent on ne sait d'où, vers on ne sait où...
Parmi les vrilles de ces tiges volubiles, la jeune fille repéra aussitôt des titres en anglais et en d'autres langues étrangères, aux graphismes somptueux dans une étagère à part, vitrée, réunis là comme quelques espèces exotiques d'au-delà des mers, exigeant des soins particuliers et des conditions climatiques spéciales. Pour atteindre les rangées les plus élevées, il y avait une échelle mobile rappelant celles que l'on utilise pour élaguer ou greffer les arbres fruitiers, de sorte que ces dernières activités et celles de couper les pages d'un livre parurent à Iéléna de natures toutes similaires. (...)
(p.44)
Depuis un an, en lisant, il lui semblait parfois rencontrer d'autres lecteurs. De temps en temps, peu souvent, mais toujours plus nettement, il se rappelait ces autres personnes, pour la plupart inconnues, qui lisaient en même temps que lui le même livre. (...)
Ou n'était-ce là qu'une illusion due à un excès de littérature et à une carence de vie ?
(p. 16)
Les tirades habituelles de Moïssilovitch ne péchaient jamais par la concision ; le jeune homme se disait qu'en guise d'études le propriétaire n'avait certainement suivi que des cours d'anatomie, pour apprendre à écorcher quelqu'un sans le tuer tout à fait, afin qu'il puisse continuer de payer.
Malgré la froide reliure en maroquin, le livre était chaud, intensément vivant, son pouls secret battait sous les doigts du jeune homme.