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Critique de Milllie


Adam, étudiant en lettres serbe et passionné de littérature, a constaté un phénomène étrange : quand il s'absorbe dans un livre, il finit souvent par rencontrer d'autres lecteurs qui ont ouvert le même ouvrage en même temps que lui. Quand un mystérieux donneur d'ordre lui confie un beau livre relié d'un auteur inconnu avec comme mission d'en réécrire certains passages, il va entrer dans un drôle de monde où se croiseront d'autres passionnés de lecture dans une demeure et un jardin qui semblent faits pour eux.

J'ai eu beaucoup de mal à entrer dans ce livre qui m'a d'abord résisté : commencé dans le cadre d'une lecture commune, j'ai fini par l'abandonner au bout d'une cinquantaine de pages, n'arrivant pas à me passionner pour son propos malgré le côté très intrigant des premiers chapitres. Remotivée pour finir cette lecture avec une de mes comparses, je l'ai réouvert quelques mois plus tard et mystère, le roman m'est cette fois-ci apparu beaucoup plus passionnant et abordable et je m'y suis replongée avec grand plaisir ! Il faut dire que le postulat de l'auteur est vraiment génial et ouvre des perspectives vertigineuses quand il décrit cette capacité de certains lecteurs à entrer au sens propre dans un livre au point d'en parcourir les paysages, de s'écarter s'ils le souhaitent de l'intrigue principale pour flâner à leur guise dans ses décors et d'y croiser d'autres lecteurs en train comme eux de parcourir cet ouvrage. Quand on adore lire et qu'on passe beaucoup de temps dans les livres, on ne peut que rêver et être séduit par cette idée, en dégustant toutes les trouvailles et les variantes que l'auteur va broder autour de ce point de départ !

Il faut ajouter à cela une bonne dose de mystère et des personnages hauts en couleur dont on a tout de suite envie de résoudre le mystère. le roman est découpé en différentes lectures dont chacune va nous conter une petite partie de l'histoire qui gravite autour de ce mystérieux livre, Ma fondation par Anastase S. Branitza. On y découvre une vieille femme et sa demoiselle de compagnie, puis l'auteur lui-même, gamin revenant les pieds trempés de ses excursions livresques en bord de mer devenant jeune homme éperdument amoureux, on y croise un peu sympathique agent des services secrets tchèques spécialisé dans la surveillance et la délation de ses concitoyens et on y rencontre enfin notre ami Adam, embarqué lui aussi dans cette histoire et essayant de comprendre où il a mis les pieds. C'est vertigineux, délicieusement emberlificoté et tarabiscoté, plein de mises en abîme (le livre dans le livre dans le livre...) où personnages, auteurs et lecteurs se croisent et s'entremêlent et malgré la complexité de la trame initiale l'auteur ne se perd jamais, nous régale de petites coïncidences et d'indices se répondant d'époque en époque avant de retomber magnifiquement sur ses pieds en explicitant enfin tous ces mystères.

Petit bémol (qui doit expliquer ce qui m'avait bloquée au début), cela reste un livre touffu, à la fois de par sa richesse, l'auteur excellant en descriptions très fournies, nous noyant parfois sous les références, les listes d'objets, les points de détail dont chacun sera une des clés et des redondances de l'histoire et de par son ancrage dans l'histoire et la réalité serbe dont personnellement je ne connais que très peu. Il est parfois difficile de s'y retrouver entre les différents personnages aux noms slaves, de se repérer dans ce Belgrade oscillant entre passé et présent ou, je suppose, de comprendre certaines allusions ou références de l'auteur. J'ai donc trouvé quelques longueurs et certains chapitres ou lectures m'ont moins passionnée que d'autre. Mais malgré ces quelques difficultés, le propos reste très accessible et je me suis également régalée de toute l'ironie dont l'auteur fait preuve pour dénoncer en demi teinte toute l'absurdité de l'histoire et notamment du régime communiste et de la paranoïa ambiante qui s'est installée après guerre.

Soixante-neuf tiroirs est finalement un roman que j'ai trouvé extrêmement riche et particulièrement passionnant malgré un abord pas toujours facile. Il valait clairement la peine de s'accrocher un peu et je pense qu'il faudrait le relire plus tranquillement pour se délecter de chaque allusion ou de chaque clin d'oeil mis en place par l'auteur, comme dans ce secrétaire donnant à l'oeuvre son titre, dont les tiroirs imbriqués finissent par mener au 69e tiroir qui ouvre tout droit sur l'infini. Un roman que je garde précieusement pour, qui sait, en faire une relecture un jour !
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