AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de berni_29


Certes il y a le bandeau accrocheur, un tantinet racoleur sur la page de garde : « Centenaire, féministe... et serial killeuse. » Mais c'est dans le cadre de la sélection du prix Cezam 2019 que j'ai découvert ce roman un peu déjanté, Mamie Luger. J'avais déjà fait connaissance avec son auteur, Benoît Philippon, lors de son premier roman que j'ai lu il y a quelques mois, Cabossé, et que j'avais bien aimé. J'espère trouver le temps d'en écrire prochainement un billet.
Ce premier roman était une sorte de road movie où deux amants abîmés par la vie, Roy et Guillemette, prenait la tangente dans une épopée à la fois drôle et touchante. Sur leur route, ils étaient amenés à rencontrer plusieurs personnages dont une vieille dame qui leur offrit une hospitalité consolatoire.
Ce second roman fait de cette vieille dame l'héroïne principale et démarre au fin fond du Cantal à l'endroit précis où la cavale des deux amoureux tourne mal, ceux-ci prennent la fuite vers un ailleurs inconnu. Cette rencontre est d'ailleurs l'élément déclencheur de l'enquête. C'est ainsi que l'inspecteur Ventura, André de son prénom je tiens à le préciser d'emblée, est dépêché sur les lieux du drame...
Le comité d'accueil est peu amène : la fameuse grand-mère de choc fait de la résistance avec son calibre 22... Les forces de l'ordre réussissent tant bien que mal à donner l'assaut.
Les présentations sont brèves. Qu'importe ! Les deux protagonistes principaux de ce roman auront tout le loisir de faire plus ample connaissance lors de la garde à vue de la vieille dame.
Et c'est ce qui se passe...
Elle s'appelle Berthe Gavignol, elle a cent deux ans. Elle a un caractère bien trempé, appelant notre flic de service tantôt Lino tantôt inspecteur Columbo, ce qui a le don de l'irriter fortement. Bon, je reconnais que ce n'est pas là le trait le plus fin de ce roman, qui commence cependant sur un rythme trépidant et un ton espiègle.
Et puis voilà, tandis que la garde à vue démarre au commissariat, d'autres policiers restés sur place tiennent au courant l'inspecteur Ventura des premières découvertes qui ont lieu dans la maison de Berthe et plus précisément dans le sol en terre battue de sa cave...
Alors, la vieille dame va peu à peu se mettre à table, elle n'a guère le choix. Mais au fond, est-ce qu'elle passe vraiment aux aveux, ou n'est-ce pas plutôt une longue confession ? Les souvenirs peu à peu se ramassent à la pelle, les cadavres aussi...
Tiens, parlons de pelle justement ! On s'entend tous à peu près ici sur la définition de cet objet, mais une fois qu'on a répondu que cela sert à creuser ou reboucher un trou, la deuxième question qui nous vient à l'esprit est : "un trou, mais pour y mettre quoi ?" Ici chez Mamie Luger, ce n'est certainement pas pour y planter des carottes ou des renoncules...
La langue de Berthe a le verbe fleuri, fait mouche à chaque réplique comme les balles d'un calibre 22, on la croirait tout droit sortie du film Les Tontons flingueurs...
Berthe Gavignol a quasiment traversé le XXème siècle. C'est l'histoire d'une vieille dame qui nous rappelle qu'elle fut tour à tour une petite fille, une adolescente, une jeune femme, belle, libre, séduisante, épouse et veuve à répétition, femme torride dans les bras de son amant magnifique, et puis tour à tour grand-mère gâteau, tueuse en série et peut-être simplement femme blessée par la lâcheté et la méchanceté des hommes, femme aimante, femme libre et sensuelle.
C'est une femme libre en effet, prodigieusement libre, à l'existence parsemée de joies gourmandes et espiègles, féministe, lisant Simone de Beauvoir et ne lâchant rien. Il est vrai que Berthe n'a jamais été du genre à se laisser marcher sur les pieds par un homme au cours de sa très longue existence.
C'est une longue confidence. Elle dit tout haut à l'inspecteur Ventura ce que celui-ci n'ose s'avouer tout bas. Ce sont les aveux d'un vieille dame pleine de malice et d'émotion qui a aimé, qui a été piétiné, qui a protégé... C'est sa confrontation avec un homme désabusé, désoeuvré au seuil de sa vie conjugale qui prend de l'eau...
Certes ce livre ne sera pas le polar de l'année ni du siècle. Mais j'ai aimé ce récit jubilatoire, semé de dialogues truculents où la tendresse et l'émotion s'invitent peu à peu dans l'itinéraire sensible de cette vieille dame portée par un amour solaire, l'amour de toute une vie, et qui finit par nous brûler les doigts.
Commenter  J’apprécie          621



Ont apprécié cette critique (55)voir plus




{* *}