Le vieux Roméo s'assit sur une souche pour contempler le ruisseau et son scintillement sous le soleil printanier. L'endroit était paisible. Du haut de ses soixante-seize ans, Roméo pouvait témoigner qu'il n'en avait pas toujours été ainsi. Dans sa jeunesse désinvolte, Kitchike n'était qu'un petit hameau, guère plus qu'un campement. Puis, les maisons s'étaient multipliées presque aussi vite que les enfants et le chiens. Les rues de poussière avaient fait place aux corridors de bitume. Les sentiers de terre battue qui sillonnaient la communauté butaient de plus en plus sur les clôtures de bois. Roméo ne comprenait pas pourquoi ceux de sa race cadastraient l'espace qui leur était assigné ni comment leur cœur pouvait se contenter de quelques pieds carrés. D'année en année, l'espace villageois avait dévoré les bois, autrefois le milieu de vie de son peuple. Chose étrange, plus la forêt laissait place à l'espace urbain, moins ce qui restaient boisés semblait fréquenté. Les jeunes, hypnotisés par les lueurs de la ville, les avaient peu à peu désertés.
Les visages s’éclaircissent d’au moins trois tons de palette Avon.
Pinault avait troqué sa position de missionnaire pour celle du missionnaire.
Les prêtres, c’est comme nous autres: une espèce en voie d’extinction
Et comme lorsqu’il était enfant, il se permit de douter. Douter du monde qui l’entourait, de ses règles, de tout ce qu’il avait appris, de ce qu’il avait tenu pour acquis. Et soudain, le monde lui semblait neuf et merveilleux.
L’espoir. Nous n’obtiendrons peut-être jamais justice ni vérité, mais nous pouvons avoir l’espoir.