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Critique de de


Manifestations tangibles et souvent banales des inégalités

Dans leur introduction, les auteures abordent les études sur le genre et celles sur les discriminations. Elles parlent, entre autres, de la bicatégorisation hiérarchique entre les sexes, des discriminations « inégalités de traitement illégitimes qui frappent certaines catégories de personnes dans les différents domaines de la vie sociale » (le terme illégitime me semble très vague), des difficultés d'identification des discriminations, de l'histoire des femmes « avant d'entrer dans l'espace démocratique, il leur a fallu parcourir tout le chemin qui sépare l'exclusion à la discrimination » (en citant Geneviève Fraisse), de dénaturalisation de l'ordre des choses et de réparation des injustices, de non-équivalence de situations discriminatoires, d'intersectionnalité et de discriminations multiples, « Les concepts de genre et de discrimination ont en commun de considérer que les inégalités sont directement le produit de rapports sociaux qui hiérarchisent les personnes en catégories dont les caractéristiques différentes, faussement rapportées à la « nature », sont fonction de normes sociales dominantes et stigmatisantes ».
Je souligne, notamment, la mise en évidence des « processus de construction des catégories », des « processus de naturalisation et d'assignation à une catégorie », des « mécanismes de dévalorisation et de hiérarchisation des femmes en général par rapport aux hommes » ou « des femmes noires par rapport aux femmes blanches », les normes qui définissent autant qu'elles excluent, les schémas hétéro-sexistes, les effets des stigmates sociaux interférants avec une réciprocité variable, les réalités en tension, les pratiques et les différences de traitement…

Je n'aborde que certains articles ; en laissant de coté les questions de vocabulaire, les emplois parfois étranges ou peu définis à mes yeux, de la notion de genre ; les discussions à avoir sur la notion de « stéréotype » ; ou ce qui se rapporte(rait) à une « identité », pour moi formule réductrice des rapports sociaux, de leur imbrication, sans oublier les formes multiples et évolutives d'éventuelles auto-dénominations des unes et des autres. Je suis très dubitatif sur la notion même d'identité psychique et de sa possible reconnaissance juridique, de la « conception mentale » ou d'un lien « psychique intentionnel », de la « vérité psychique » en défense de la GPA. Une chose est de combattre les fantasmes autour des liens de sang et de reconnaître que la filiation est avant tout une construction sociale, autre chose est de survaloriser, sans les interroger, les désirs d'enfant. La filiation doit être reconnue multiple, géniteur/génitrice, parents d'adoption, liens affectifs construits en vie commune, sans faire primer ni des liens « biologiques » ni bien évidement des constructions mentales.

Hélène le Dantec-Lowry aborde l'activité salariée des femmes durant la seconde guerre mondiale aux Etats-Unis, ces absentes de l'histoire dans les discours, les manières de rappeler que ces emplois occupés revenaient légitimement aux hommes, « Do the job he left behind », le silence sur la « contribution des minorités ethno-raciales présentes depuis longtemps dans l'industrie », les femmes Africaines-Américaines occupant « une place de domestique, la ségrégation et les pratiques discriminatoires limitant considérablement leur accès au marché du travail », le thème omniprésent de la femme au foyer, les fortes pressions après guerre pour réassigner les femmes à « leur foyer »…

Je reste dubitatif sur l'usage de la notion de « classe moyenne » (je ne comprend ni comment une femme mariée peut-être catégorisée comme « son » mari, ni comment une femme salariée comme ouvrière pourrait être rattachée à cette catégorie sociale).

Chantal Morley et Martina McDonnell analysent les stéréotypes liant le technique et le masculin et les discriminations envers les femmes dans le domaine dit technique, la faible présence des femmes dans ces activités, les barrières sociales érigées, le principe d'égalité réduit par sexualisation, « le principe d'égalité peut être transgressé impunément, mais uniquement en défaveur des filles », les règles tacites, les incompétences supposées, la non-reconnaissance des compétences techniques des femmes, les mouvements de typification sexuée. (En complément possible par exemple, les travaux de Joelle Palmieri sur les TIC et les femmes)

J'ai notamment été intéressé par l'article de Juliette Gaté sur l'univers carcéral, les séparations (certains êtres humains d'avec la société, personnes détenues et personnel pénitentiaire, hommes et femmes), l'évitement de la sexualité (réduite souvent à l'hétérosexualité). « L'objet de cet article vise donc à identifier la place du droit dans la construction ou la remise en question des rôles sociaux de sexe en prison ».

L'auteure aborde, entre autres, la logique de non-mixité de la surveillance, les règles de non-mixité dissymétriques, le tabou de la sexualité en prison (et son schéma hétérosexuel), les détenu-e-s « considéré·es par le droit comme un groupe social sans sexualité », les supposés et les arguments essentialistes (incapacité physique, fibre maternelle, etc.), le travail et la rémunération en prison, le droit et les normes, les corps des personnes détenues dont la situation des personnes trans…

Catherine Louveau discute du test de féminité dans le sport, de la réduction de « l'identité sexuée réelle des femmes aux aspects anatomiques puis chromosomiques de la sexuation », de l'apparence, de la virilité, de discriminations entre sportives, de femme « a-normale » et de « normalité ». (En complément possible, Anaïs Bohuon : le test de féminité dans les compétitions sportives… une histoire classée X ?)
Je souligne, sans entrer dans le détail, des pistes de réflexions dans la partie sur les discriminations multiples, en particulier pour les femmes migrantes ou la « discrimination indirecte ».

La lutte contre les discriminations peut-être une étape important de la lutte pour l'égalité, une formalisation de la lutte contre les stigmatisations et les inégalités de traitement. D'où la place du droit comme reconnaissance et outil de mobilisation et l'intérêt de cet ouvrage.

Reste que le combat pour l'égalité n'est ni réductible à la suppression des discriminations, ni à la déconstruction du genre et des autres rapports sociaux, ni simplement à l'égalité en droit.

Ce qui est à l'ordre du jour – du temps long -, c'est bien la suppression de toute hiérarchisation des êtres humains et de leurs activités,.

Ce qui implique a minima la participation, en égalité et en liberté, à l'ensemble des possibles démocratiques, l'auto-organisation des individu-e-s et des groupes sociaux… le « fil à plomb » est donc l'émancipation de chacun-e et de toustes…

Lien : https://entreleslignesentrel..
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