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Critique de Fabinou7


« Je vous en prie, fichez-moi la paix avec votre vérité ! Ici, nous sommes au théâtre ! » J'admire les auteurs qui, au lieu de céder aux sirènes de l'essai, choisissent la fiction pour transmettre leur(s) pensée(s).

Cette pièce du dramaturge italien interpelle (assez logiquement somme toute) sur la notion de Personnage au théâtre. du latin « Persona » qui signifiait, dans l'antiquité, le masque de l'acteur. Le personnage est une fiction, incarnée dans sa chair par un comédien dans une sorte de schizophrénie sociale cathartique. Pirandello trace les contours et les limites du jeu d'acteur, du mimétisme et de la quête chimérique d'authenticité.

« On croit se comprendre ; on ne se comprend jamais. » Il y a également une réflexion sur le metteur en scène et sur l'auteur de théâtre. Incrédulité du démiurge face à la représentation scénique, c'est-à-dire qu'entre le moment où l'écrivain crée un personnage, l'appropriation par un metteur en scène et l'incarnation de ce personnage par un acteur, avec sa propre subjectivité, ce dernier n'est plus tout à fait le même, en tout cas pas tout à fait tel que l'auteur l'aurait voulu voir enfanté.

« Quand un personnage est né, il acquiert aussitôt une telle indépendance, même vis-à-vis de son auteur, que tout le monde peut l'imaginer dans nombre d'autres situations où son auteur n'a pas songé à le mettre, et qu'il peut aussi, parfois, acquérir une signification que son auteur n'a jamais songé à lui donner. » Entre dépréciation, intermédiation, effritement irrémissible et incompréhension, la dialectique acteur/personnage ne trouve aucune issue dans cette pièce.
Au sortir on se sera presque convaincu qu'un personnage est enfin une personne comme une autre, dans ses joies et ses peines, sorte de pantin affranchi et dont chacun peut réécrire l'histoire.

Peut-être peut-on regretter que cette mise en abyme si originale soit sous-tendue par une trame narrative aussi classique, quasi « point Godwin » de l'anthropologie, dont la prohibition constituait, pour Claude Lévi Strauss, le propre de toutes les communautés humaines. Cependant, l'auteur pose la question de l'essence des êtres. Sommes-nous réductibles à un seul de nos actes ? D'avoir une seule fois cédé au désir ? figés à jamais dans ce rôle-là ?

Finalement, ce que Pirandello essaie de nous dire dans ce drame de 1921, serait ce que nous sommes nous-mêmes les meilleurs acteurs ? L'amoureuse éperdue, le travailleur acharné et ambitieux, la cliente pressée, l'usager mécontent, la mamie gâteau… tous ces rôles sociaux qui nous collent à la peau, qui se succèdent au cours de nos journées, font de nous des personnages infatigables, nous nous perdons nous-mêmes et notre essence dans cette « commedia dell'arte » permanente.

Je laisserai à Luigi le mot de la fin : « Que voulez-vous que j'y fasse si de France il ne nous arrive plus une seule bonne pièce et si nous en sommes réduits à monter des pièces de Pirandello – rudement calé celui qui y comprend quelque chose ! – et qui sont fabriquées tout exprès pour que ni les acteurs, ni les critiques, ni le public n'en soient jamais contents ? »

Qu'en pensez-vous ?
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