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Critique de motspourmots


Je salue l'excellente idée des éditions Ateliers Henry Dougier de rééditer cet auteur russe méconnu du 19ème siècle, dont la plume caustique n'hésite pas à brocarder cette société oisive et brutale contre laquelle quelques décennies plus tard, le peuple s'est révolté.

Le destin d'Anna Pavlovna nous est livré comme une pièce de théâtre où les dialogues s'enchaînent et où l'on a l'impression de voir s'agiter, grimacer et gesticuler les différents protagonistes. La pauvre Anna dépérit dans la propriété où son mari brutal la tient presque enfermée, dans une petite ville de province où, loin de la fébrilité de Moscou ou de St Pétersbourg, l'activité principale des uns et des autres est de discuter de la vie de ses voisins. C'est l'époque où un propriétaire terrien est évalué à l'aune du nombre de serfs qu'il possède, et où les écarts entre ceux qui possèdent et ceux qui n'ont rien sont indécents. Une époque où certains hommes ont droit de vie ou de mort sur une partie de leurs congénères. Oisifs, imbus d'eux-mêmes, ces petits bourgeois traînent leur ennui d'une propriété à une autre au rythme des visites à rendre ou à initier.

La frêle Anna a renoncé a un amour de jeunesse pour obéir à son père et épouser Manovski, sorte de géant sanguin et peu réceptif aux idées romantiques de sa femme. S'estimant floué dans sa "transaction" de mariage, il fait payer à la jeune femme la soi-disant rouerie de son père. Lorsque le jeune homme qu'aimait Anna reparait, celle-ci voit la flamme renaître et espère que sa vie va changer... Ce ne sont que les débuts de ses malheurs dans cette société où il ne fait pas bon être une femme, qui plus est un peu trop romantique.

Les écrivains russes ont toujours été doués pour la tragédie et le mélodrame. Ce n'est pas cet opus qui le démentira. L'auteur excelle dans la représentation de ce petit théâtre où intrigues et commérages ont vite fait de prendre le pas sur la pureté des sentiments. Que vaut l'amour d'une femme face aux promesses d'honneurs et aux fastes de la ville ?

C'est vif, enlevé, très théâtral. C'est également violent, cynique et sans concession. On comprend que ses écrits aient valu à l'auteur quelques périodes de censure et de disgrâce de son vivant. On apprend également dans la préface écrite par sa traductrice que sa carrière dans l'administration lui a permis de s'imprégner du petit monde qu'il dépeint si férocement dans ce roman et l'on imagine que nombreux sont ceux qui ont dû se sentir visés.

Une bien intéressante découverte qui m'a donné envie de m'intéresser de nouveau aux auteurs russes de cette époque et à quelques grands classiques que je n'ai pas encore eu l'occasion d'aborder. A suivre donc et en attendant, n'hésitez pas à ouvrir ce roman à la couverture si joliment illustrée, vous passerez un très bon moment.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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