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Critique de sandra_etcaetera


ETRE FEMME ET ARTISTE
Berta Altmann- voilà une femme que j'aurais aimé rencontrer, avec laquelle j'aurais aimé échanger, parce qu'elle nous dit tant de choses des femmes que nous sommes, mais aussi des hommes, de l'artiste et toute une époque.

Magadaléna Platzova s'est inspirée pour ce roman de la vie de Friedl Dicker-Brandeis- née à Vienne, morte assassinée en 1944 à Auschwitz.

En ce début de XXIème siècle, une équipe de tournage israélienne vient à la rencontre de Kristyna, celle qui fut son amie, pour réaliser un reportage sur cette artiste juive méconnue. Sa petite fille, Milena l'accompagne sur les traces de cette femme exceptionnelle et rencontre le cameraman, Aaron…
L'occasion pour Kristyna d'ouvrir le coeur lourd ses lettres précieusement conservées, reconstituant peu à peu ce que fut sa vie et celle qui fut sans relâche éprise de liberté. Les souvenirs de Berta, sa personnalité, son engagement, ses doutes, n'ont eu de cesse d'inonder de lumière la vie de Kristyna, car il y a dans ce retour vers les années de l'entre deux guerres une volonté très forte de vivre qui se manifeste intensément, une forme de plénitude incarnée par la solaire Berta Altmann, que reçoit le lecteur comme un onguent (re)vivifiant, un appel à la liberté comme si demain tout pouvait s'arrêter.

Berta Altmann c'est cette femme singulière et excentrique à laquelle on aimerait ressembler. Mais c'est aussi cette femme artiste, née talentueuse mais sans cesse dans le doute et peinant à trouver sa place. Elle est cette femme moderne, libre, communiste, loin des conventions bourgeoises qui se heurte au trop difficile accès des femmes dans le monde artistique.
C'est une femme de son époque, prête à être la maîtresse d'un homme marié pour vivre l'exaltation de son amour pour lui. Une époque où la femme devait choisir entre la famille ou la liberté. Berta avait choisi son camp, même si elle fut souvent la prisonnière volontaire de son amour pour les hommes de sa vie…

Un récit sous forme de souffle de liberté féminine donc mais aussi un récit sur l'art, la création, l'école du Bauhaus. Un roman qui met en abyme l'entreprise de la création et met en scène la réflexion sur ses secrets intimes et sur la force de l'oeuvre d'art. Car Berta fut une étudiante assidue et engagée du Bauhaus, allant à la rencontre des artistes et intellectuels avant-gardistes de son temps, et vivant parfois comme une ascète pour laisser mûrir son pouvoir créatif, enseignant l'histoire de l'art aux enfants d'ouvriers jusqu'à ceux du camp de Terezin, étape ultime avant Auschwitz, convaincue de la nécessité de donner accès à l'art à tous.

Le texte de Magdalena a cette force nécessaire pour entrer dans le monde de Berta. Une femme qui a toujours voulu se montrer forte, défendant et vivant sa liberté- de créer, d'être artiste, de désirer, d'aimer, de ne pas procréer, de décider…

Une émancipation difficile, gagnée au coeur de la création- l'art devenant dans les derniers jours de sa vie le seul moyen de s'émanciper de la laideur de la haine antisémite, comme un espace de liberté incommensurable…

Une des lectures fortes de cette rentrée littéraire.
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