Shadow House, tome 3 : Sans issue

Ce n’étaient pas des souvenirs agréables, mais c’était toujours ça. Détruire le symbole de Frederick Caldwell avait non seulement mis un terme au pacte de la créature, mais également libéré l’esprit de Dash de l’emprise de cette dernière.

Qu’allait-elle leur raconter ? Qu’une maison hantée l’avait attirée à l’autre bout du pays et avait tenté de la dévorer ? Qu’elle était entrée en contact avec sa sœur morte ? Qu’elle avait failli perdre la boule ?
Elle leur inventerait peut-être une autre histoire. Plus facile à croire. Une histoire qui ne leur donnerait pas de cauchemars. La grande question était toutefois la suivante : cette histoire lui donnerait-elle des cauchemars ? Les crises de somnambulisme allaient-elles reprendre ?
Entendrait-elle encore des voix ?

Elle ferma les yeux mais vit aussitôt dans sa tête Marcus projeté contre un tronc d’arbre, et la créature qui les regardait s’enfuir. La culpabilité coulait dans ses veines en un courant glacé, à mesure que les images tournaient en boucle dans son cerveau, comme un bug, avant de se fondre en une vision de sa sœur gisant immobile dans la forêt japonaise.

Nous ne pouvons plus nous fier à rien de ce que nous voyons. Tout ça, c’est la maison qui cherche à nous ramener en elle, pour nous rendre cinglés et se gaver de notre peur…

Pourquoi suis-je la seule à être torturée ainsi ? se demandait Azumi. Poppy et Dash étaient pour ainsi dire zen. Une étincelle de jalousie s’embrasa au creux de son ventre, à l’égard de ses amis qui ne ressentaient pas ce qu’elle ressentait, ni ne voyaient ce qu’elle voyait. Elle souffrait d’être seule dans sa bulle de confusion.
Tu es pourtant plus normale qu’eux, se rappela-t-elle. Tu as toujours été normale. Et intelligente. C’étaient bien des qualités, non ?

Toutes ou presque dépassaient le mètre cinquante, certaines paraissaient plus vieilles que d’autres. Un des clowns avait le crâne tout blanc, hérissé de trois mèches de cheveux multicolores en pointe ; son nez rose en triangle était presque entièrement aplati ; un sourire tordu dévoilant des dents droites, certes, mais jaunies. Il portait une combinaison pâle à tout petits pois rouges et bleus, et levait la main dans un salut figé. Un autre clown avait une petite tête plus ovale, un nez en patate, de la paille en guise de cheveux et des yeux zébrés par des traînées de peinture bleue.