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Critique de LesMotsPourRever


Grayson, vit chez son oncle et sa tante depuis le décès brutal de ses parents. Il un élève de sixième, ne parle presque à personne, n'a pas d'ami et déjeune toujours seul au CDI. Un secret le ronge depuis des années et pour éviter de le révéler par inadvertance, il a préféré s'isoler des autres. Parce qu'au fond de lui Grayson se sent plus fille que garçon et il sait que les autres ne l'accepteront jamais. Les choses changent quelque peu lorsqu'une nouvelle élève, Amelia, rejoint sa classe en plein milieu de l'année et semble vouloir se rapprocher de lui. Pour la première fois depuis longtemps, Grayson ressent l'envie de faire de nouveau confiance à quelqu'un.

D'une certaine manière, le secret de Grayson m'a énormément fait penser à La face cachée de Luna, que j'avais adoré. Je redoutais vraiment que l'auteur nous laisse mariner pendant des pages et des pages, que ce fameux secret ne tarde à nous être révélé, mais au final non. Dès le premier paragraphe on se retrouve plongé dans le monde torturé de Grayson. Il déteste ce qu'il doit porter, les belles robes ne sont là que dans son imagination (et disparaissent de plus en plus vite) et il ne peut dessiner ses princesses qu'avec des formes géométriques afin que personne ne sache de quoi il s'agit exactement. le quotidien de Grayson est désespérément solitaire, je dirais même profondément triste, et on ne peut pas ne pas s'attacher à lui. Son choix de s'isoler de ses camarades n'est peut-être pas le bon mais on ne peut pas ne pas comprendre sa peur à l'idée d'être un jour découvert. D'autant plus lorsque le temps lui donne raison : il s'attache à Amélia, se laisse aller à rêver à l'idée qu'il puisse être lui-même avec elle, et malheureusement les choses ne se terminent pas bien. Il faut bien avouer cependant que ce n'est pas une réelle surprise. Dès le début de cette amitié on sent bien que ça ne durera pas entre eux. Amélia n'approche Grayson que par commodité ou par dépit, ce qui en fait automatiquement un personnage que je n'apprécie pas. Je peux comprendre qu'elle n'accepte pas Grayson comme il est une fois qu'elle a découvert son secret mais j'ai vraiment eu le sentiment qu'elle se servait de lui, qu'elle l'utilisait pour ne pas être seule. Ça fait d'autant plus mal que Grayson lui accordait sa confiance, chose qu'il n'avait pas faite depuis très longtemps. le pire est cette angoisse à l'idée qu'elle révèle ce qu'elle sait au reste du collège. Grayson n'a définitivement pas besoin de ça. Grayson a pris un risque avec Amélia et en est ressorti plus abimé encore, et pourtant il ose une nouvelle fois sortir de son cocon protecteur : pourquoi ne pas s'inscrire à la pièce de théâtre de l'école ?

Je ne sais pas ce qui passionne tant les auteurs dans le théâtre mais j'ai l'impression d'en croiser beaucoup ces derniers temps (3000 façons de dire je t'aime, Dans chacun de mes mots, Moi Simon, 16 ans, homo sapiens). Je suppose qu'il n'y a pas de meilleur contexte pour faire sortir le héros de sa coquille. J'ai été à la fois surprise et anxieuse lorsque Grayson a postulé pour le premier rôle féminin. On sourit à l'idée qu'il sorte de sa coquille mais on ne peut que redouter les répercussions que son choix va avoir. J'avais peur que les brimades n'atteignent un tout autre niveau, que le harcèlement s'intensifie, mais jamais il ne me serait venu à l'esprit que la propre famille de Grayson se dresse contre lui. Au pire je m'attendais à une réaction négative de la part de son oncle Évan ou son cousin Jack (parce que tout ne peut pas être rose) mais je n'aurais jamais soupçonné sa tante Sally. Comme quoi moi aussi je suis pleine d'à priori. J'ai tendance à imaginer les figures féminines plus compréhensives et je suis tombée de haut avec Sally. Les propos qu'elle tient, l'opinion qu'elle a de Grayson, … Je me suis pris une véritable claque, tout comme notre héros. le pire est de savoir que ce qui la dérange le plus dans tout ça, c'est le regard des autres. Elle n'assume pas d'avoir un neveu qui aime s'habiller en fille et se cache derrière les normes et les conventions sociales. Préférer les apparences au bonheur de son neveu ? J'ai failli en lâcher mon livre. Surtout lorsqu'on apprend par la suite jusqu'où elle est prête à aller pour que son neveu ne monte pas sur scène vêtue comme une fille. Parallèlement je n'ai pu qu'adresser des remerciements silencieux à l'oncle Évan pour son ouverture d'esprit et sa compréhension. Cette division entre les adultes se retrouve aussi entre Jack et Brett. La naïveté du cadet est touchante et surtout rappelle combien tout ce débat est futile : si Grayson se sent heureux comme ça alors où est le problème ? de son côté Jack associe cette « crise identitaire » à de l'homosexualité et ne voit plus que les soucis que cela peut engendrer pour lui d'être de la même famille que Grayson. Je suis moins remonté contre lui parce qu'il est jeune et que je me souviens que le collège n'est pas facile, que les adolescents sont loin d'être tolérants, que la différence fait peur. Mon seul regret concernant ce personnage est qu'il n'évolue pas vraiment. J'attendais une discussion entre lui et le héros. Pas forcément une réconciliation mais au moins une conversation.

Finn, le professeur de littérature, m'a étrangement fait penser à Mr Keating (Le cercle des poètes disparus). Peut-être parce qu'il soutient ses élèves, parce qu'il a ses propres convictions, ou parce qu'il va au bout des choses, quitte à s'attirer des ennuis. C'est un professeur comme on a tous rêvé d'avoir : qui écoute et qui est vraiment préoccupé par ses élèves. Il sait qu'il prend un risque en donnant à Grayson le rôle de Perséphone et pourtant il ne renonce pas, pas même lorsque d'affreuses rumeurs commencent à circuler sur lui. Qu'on puisse l'accuser d'être responsable des envies féminines de Grayson m'a tout simplement révolté. Et surtout cela m'a rappelé combien les gens peuvent être bornés et arriérés.

Voir Grayson s'affirmer et prendre confiance en lui est un véritable bonheur. Fini la peur, désormais il s'assume. Pas au point de porter des jupes à l'école (pas sûr qu'on le laisse faire de toute façon) mais il se battra pour jouer le rôle de Perséphone, qu'importe les obstacles que les autres mettront sur sa route. En parlant de jouer Perséphone, je redoutais un peu la retranscription du spectacle. J'avais peur que l'auteur se contente de nous copier/coller le texte de la pièce. J'aime le théâtre mais j'aurais trouvé ça vraiment trop facile. L'idée d'Amy Polonsky est tout simplement géniale ! En reprenant les codes de la narration théâtrale, elle nous relate non pas la pièce elle-même mais les réactions du public, ce qui est bien plus intéressant et ingénieux.

Si certains se le demandent, il ne sera pas question ici de transsexualité. Ce n'est pas le propos tout simplement parce que Grayson n'en est pas là. Tout ce qu'il veut c'est pouvoir s'habiller comme il l'entend. Il vit le moment présent et ne pense pas à l'avenir pour le moment.

Avec le secret de Grayson j'avais peur des clichés, des idées préconçues, des portes ouvertes qu'on enfonce, des débats qui n'en sont pas vraiment puisqu'il y a parti pris. Au final Amy Polonsky a su, avec habilité, passer à travers tout ça et nous offrir une histoire qui ne juge pas, une histoire touchante et magnifique qui vous prend aux tripes et qui vous colle les larmes aux yeux. Tout n'est pas rose dans ce livre, une partie de la fin est totalement injuste, mais ça ne rend cette histoire que plus réelle encore. Bref, une magnifique lecture, un livre que je relierai avec plaisir.
Lien : http://lesmotspourrever.com/..
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